LIBÉRATION, France (1944-1946)
La sortie de guerre (automne de 1944-printemps de 1945)
Ordre républicain
Entre septembre et octobre 1944, la phase insurrectionnelle est close. Les ordonnances prises à Alger par le Comité français de libération nationale pour préparer la Libération sont complétées. Elles abolissent l'essentiel des actes du régime de Vichy et organisent l'épuration. Elles jettent les bases légales du pouvoir nouveau. Le gouvernement remanié le 9 septembre se veut d'« unanimité nationale » avec treize représentants des forces politiques et neuf membres issus des mouvements de Résistance. L'Assemblée consultative provisoire est élargie le 11 octobre à des représentants de la Résistance.
La reprise en main du pays se fait avec célérité, compte tenu de sa situation morale et matérielle. Commissaires régionaux de la République et préfets s'emploient à canaliser les énergies résistantes et à résorber les pouvoirs « girondins » issus de l'insurrection. La dissolution des F.F.I., le dessaisissement progressif du C.N.R., la marginalisation des comités de libération en marquent les étapes. Mais, devant les réactions, il faut composer, abandonner les conseils généraux au profit des C.D.L., faire des concessions sur les municipalités provisoires ou sur l'épuration. Il y a des soubresauts, mais le choix légaliste du P.C., confirmé après le retour de Maurice Thorez en France le 27 novembre, contribue beaucoup à les apaiser. Il ne cherche pas l'épreuve de force, pas sur le plan national en tout cas. La dissolution des milices patriotiques le 28 octobre en est la preuve, même si l'affaire n'est réglée qu'après un bras de fer de plusieurs semaines entre le pouvoir central et certains pouvoirs locaux.
Bien qu'une partie de la Résistance communiste et non communiste pousse à une reconstitution politique du pays fondée sur la pyramide des comités de libération, la « ligne » commune reste à la poursuite de la guerre, au rétablissement de l'ordre et au retour aux urnes. La révolution d'en haut contrôle la révolution d'en bas.
Épuration
La stigmatisation de l'épuration sert généralement de prétexte pour tenter de disqualifier la Résistance. Éruptive, massive, elle a été diverse dans ses formes, inégale selon les lieux, les milieux et les moments. Les trois quarts des quelque 9 000 à 10 000 exécutions sommaires se produisent avant ou pendant les combats de la Libération. Les brimades, souvent excessives, les arrestations, souvent arbitraires, et les violences infligées aussitôt après aux « collaborateurs » n'échappent guère à l'autorité des comités de libération. L'aspect le plus consternant concerne les quelque 20 000 femmes tondues, mais des dizaines de milliers de suspects sont incarcérés au moins quelques jours. Il reste encore 50 000 internés à la fin de 1944. Des tribunaux d'exception, cours de justice et chambres civiques, sont très vite mis en place. Mobilisant la moitié du corps judiciaire, ils instruisent plus de 311 000 dossiers, jugent 127 751 affaires dont 50 000 sont conclues par la seule dégradation nationale (qui sanctionne l'adhésion à un mouvement de collaboration), prononcent près de 40 000 condamnations aux travaux forcés ou à la prison et 7 000 condamnations à mort, la plupart par contumace ou suivies de grâces. Au total, avec celles que prononcent les tribunaux militaires qui jugent la collaboration militaire et les crimes de guerre, les exécutions légales effectives s'élèvent à environ 1 600. L'épuration professionnelle et administrative n'épargne aucun milieu. Plus de 20 000 fonctionnaires sont sanctionnés. La collaboration économique n'est pas traitée avec beaucoup de détermination, mais elle n'en est pas moins passible de sanctions financières. Trop lente pour les uns, trop rapide pour d'autres, indulgente ici, sévère là, l'épuration punit plus lourdement les premiers jugés que ceux des mois suivants.[...]
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Écrit par
- Jean-Marie GUILLON : professeur émérite des Universités
Classification
Médias
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