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LIBERTÉ D'EXPRESSION

Contrôle des restrictions à la liberté d’expression

À quelles conditions est-il permis de restreindre la liberté d’expression ? Les particularités de l’expérience américaine éclairent le régime européen.

Le contre-modèle américain

Lorsque s’applique le premier amendement de la Constitution des États-Unis, il est très difficile de justifier quelque restriction de la liberté d’expression que ce soit. Le régime américain se caractérise en particulier par l’interdiction de tenir compte du contenu de ce qui est exprimé. Il est défendu à l’État de privilégier une opinion par rapport à une autre, d’interdire, par exemple, les propos racistes mais pas les propos antiracistes (R.A.V. v. City of St. Paul, 1992). Dans le même ordre d’idée, il est exclu de sanctionner une expression en raison du préjudice qu’elle inflige, car cela reviendrait à se prononcer sur son contenu. Le droit des États-Unis montre donc à quoi ressemble un système qui protège vraiment les propos qui « heurtent, choquent ou inquiètent », comme le proclame la Cour européenne des droits de l’homme dans ce qui n’est pour elle qu’un slogan.

Manifestation néonazie, États-Unis - crédits : Bettmann/ Getty Images

Manifestation néonazie, États-Unis

À titre d’exemple, les tribunaux américains ont refusé l’interdiction d’un défilé néonazi avec uniformes et croix gammées, ou d’une manifestation homophobe à proximité d’un enterrement. Il ne s’agit pas de nier que de telles manifestations puissent être extrêmement blessantes. Ce régime ne repose pas sur l’argument « sticks and stones », exprimé par le proverbe selon lequel « des bâtons et des pierres peuvent me rompre les os, mais des mots ne me blesseront jamais ». Au contraire, l’expression est protégée en dépit des préjudices qu’elle provoque : « L’expression peut infliger de grandes douleurs », expliquait la Cour suprême en 2011. « Mais nous ne pouvons pas réagir à cette douleur en punissant l’orateur. En tant que nation, nous avons choisi un autre chemin, celui de protéger l’expression, même blessante, sur les questions d’intérêt général, afin de ne pas étouffer le débat public » (Snyder v.Phelps, 2011).

En Europe, au contraire, l’atteinte aux droits d’autrui peut justifier des restrictions à la liberté d’expression. Par ailleurs, l’exigence de neutralité envers les diverses opinions est beaucoup plus faible. La Cour européenne des droits de l’homme répète souvent qu’« il importe au plus haut point de lutter contre la discrimination raciale sous toutes ses formes » (Jersild c. Danemark, 23 septembre 1994), et n’éprouve aucune difficulté à admettre des restrictions qui visent spécifiquement les propos racistes ou d’autres formes de discours de haine. La protection des propos qui « heurtent, choquent et inquiètent » correspond mieux au système américain. En Europe, on considère plutôt qu’il est admissible « de sanctionner, voire de prévenir, toutes les formes d’expression qui propagent, encouragent, promeuvent ou justifient la haine fondée sur l’intolérance » (Féret c. Belgique, 16 juillet 2009).

La justification des restrictions à la liberté d’expression en Europe

Dans les systèmes européens, les normes supérieures (Constitutions ou traités internationaux) prévoient et encadrent des possibilités de limiter la liberté d’expression. Ces restrictions doivent d’abord être édictées par une loi ou sur le fondement d’une loi suffisamment précise. Elles doivent ensuite tendre à préserver un des intérêts dont la protection justifie de limiter la liberté d’expression. Ces intérêts sont souvent nombreux et extrêmement larges, tels l’« ordre public » ou les « droits d’autrui ».

Cet examen implique d’apprécier si l’expression visée est susceptible de menacer l’intérêt en question. La réponse est souvent aisée lorsque la restriction contrôlée est conséquentielle : l’intérêt auquel les propos sont censés porter[...]

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Médias

Descente dans les ateliers de la liberté de la presse (1833) - crédits : Library of Congress, Washington, DC (French Political Cartoon Collection)

Descente dans les ateliers de la liberté de la presse (1833)

Manifestation anti-mégabassine, Deux-Sèvres - crédits : Joanie Lemercier

Manifestation anti-mégabassine, Deux-Sèvres

Manifestation néonazie, États-Unis - crédits : Bettmann/ Getty Images

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