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CULTE LIBERTÉ DU

La liberté du culte devrait être le corollaire de la liberté de conscience. Mais, comme le culte est affaire de pratique collective et comporte des manifestations extérieures, les gouvernements ont longtemps estimé qu'il devait être strictement réglementé par une « police des cultes ». La liberté complète du culte et l'égalité de toutes les croyances devant la loi ont ainsi rencontré deux types d'entraves : les unes dérivent de la profession par l'État d'une religion officielle ; les autres découlent de la prétention de la puissance publique à réglementer les conditions d'exercice du culte.

La liberté du culte a été l'une des principales revendications et l'une des conquêtes majeures de la pensée libérale. Elle s'est instaurée au détriment des privilèges dont bénéficiait la religion dite d'État et à l'avantage des minorités religieuses. D'un pays à un autre, elle prit des significations différentes suivant les situations : en France, l'émancipation des protestants et l'abolition des prérogatives du catholicisme romain ; en Angleterre, l'émancipation des catholiques et des dissidents, par l'abrogation des dispositions qui réservaient à l'Église d'Angleterre le monopole du culte public.

Dans la longue histoire dont la liberté du culte a été le terme, la Révolution française a marqué une étape décisive, bien que la Déclaration des droits — selon laquelle « nul ne peut être inquiété pour ses opinions, même religieuses » — s'abstienne d'en tirer quelque conséquence pour la liberté du culte, dont elle ne dit mot. En fait, la Révolution française prohibe le culte catholique qui ne serait pas célébré par un prêtre assermenté, et n'autorise que celui de l'Église constitutionnelle, jusqu'à ce que la séparation décrétée en 1795 par la Convention étende à cette Église les rigueurs de la persécution religieuse.

C'est Bonaparte qui donne un fondement durable à la liberté des cultes, en prenant l'initiative de publier des Articles organiques, qui interprètent le Concordat, et surtout en en étendant l'application aux cultes protestants. En 1814, la Charte constitutionnelle confirme le régime existant : elle garantit à chacun le droit de professer sa religion avec une égale liberté et accorde à tous les cultes la même protection. Il en ira ainsi, avec des vicissitudes diverses, jusqu'au vote, en France, de la loi de séparation des Églises et de l'État (1905), qui supprime tout lien entre la puissance publique et la religion. L'ignorance où se tenait l'État de l'existence des Églises devait être la garantie de la liberté du culte. Mais la pratique obligea le pouvoir à intervenir, au moins indirectement, et ne fût-ce qu'en acceptant de mettre les édifices religieux, devenus propriété publique, à la disposition des fidèles. Depuis lors, la liberté du culte ne souffre plus guère d'autres limitations que celles qui sont imposées par les nécessités de l'ordre public. Deux questions ont ainsi suscité une abondante jurisprudence : les sonneries de cloches et les processions publiques à l'extérieur des églises.

Mais, si l'histoire de la conquête de la liberté du culte a trouvé son aboutissement dans la plupart des sociétés de l'Europe occidentale et de l'Amérique du Nord, elle est loin d'être close ailleurs : dans certains pays subsiste une religion d'État entraînant des inégalités pour les autres confessions ; dans d'autres, le régime professe une philosophie officielle, et l'idéologie dominante tient lieu de religion d'État, ce qui produit les mêmes conséquences pour la liberté du culte.

— René RÉMOND

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  • : président de la Fondation nationale des sciences politiques

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