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LIBERTÉ (notions de base)

Dans l’Antiquité, des adolescents d’Athènes ou de Rome qui auraient été soumis à l’épreuve de philosophie du baccalauréat, et qui auraient dû disserter sur un sujet portant sur la liberté, auraient pu se contenter d’écrire ces quelques lignes : « Être libre, c’est ne pas être enchaîné. Est libre tout homme qui n’est pas esclave. »

Les termes du débat moderne sur le concept de liberté sont apparus avec les philosophes du xviie siècle, selon trois lignes directrices : la dimension du libre arbitre, celle de la libération par la connaissance, et celle de la dimension collective de la liberté politique.

L’invention de Descartes

On doit à René Descartes (1596-1650) d’avoir formulé de façon décisive l’hypothèse du libre arbitre, selon laquelle nous sommes réellement à l’origine de nos pensées et de nos actes, indépendamment de toutes les forces naturelles et sociales qui s’exercent sur nous. Dans la quatrième partie du Discours de la Méthode(1637), le philosophe nous compare à des voyageurs perdus dans la forêt, qui doivent décider de marcher dans une direction sans avoir la moindre certitude concernant leur point d’arrivée.

Explicitons l’image cartésienne par un bref scénario. Supposons que vous soyez invité chez un ami habitant une région montagneuse, et que vous vous dirigiez vers son village où vous ne vous êtes encore jamais rendu. Vous arrivez à une bifurcation ; une petite route monte sur votre gauche, une autre sur votre droite. Les panneaux indicateurs sont illisibles, et vous devez choisir l’une des deux directions. Au bout de 10 kilomètres, vous parvenez à un village et vous découvrez que vous vous êtes trompé. Avez-vous fait un usage regrettable de votre liberté ? Vous reprocher votre erreur a-t-il un sens ? Aucun, bien entendu. C’est précisément parce que vous êtes arrivé à ce village au bout de la mauvaise route que vous savez à présent qu’il fallait prendre l’autre direction. Rien ne vous permettait de le savoir auparavant. Nous n’aurions donc jamais à nous reprocher nos choix en ressassant vainement le passé. Ce qui, cela va de soi, ne nous interdit nullement de tirer les leçons de nos actes chaque fois que cela est possible.

Pour Descartes, l’affirmation biblique selon laquelle Dieu nous a créés « à son image » signifie que Dieu a accordé aux hommes la même liberté que la sienne, c’est-à-dire une liberté infinie. Le libre arbitre ne saurait avoir de degrés : je peux choisir d’aller à droite ou à gauche, de me lever ou de rester au lit quand mon réveil sonne. Nous éprouvons davantage notre liberté infinie dans ces petits choix relevant de ce que Descartes nomme « liberté d’indifférence », que dans des choix réfléchis et motivés. « Notre liberté se connaît sans preuve par la seule expérience que nous en avons », écrit l’auteur du Discours de la méthode.

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Écrit par

  • : professeur agrégé de l'Université, docteur d'État ès lettres, professeur en classes préparatoires

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