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LIBIDO

Jupiter, Antiope et Amour, H. Aachen - crédits : DeAgostini/ Getty Images

Jupiter, Antiope et Amour, H. Aachen

« Libido (grec, epithumia). Das Verlangen nach Etwas [l'envie de quelque chose]. Die Begierde [le désir] ; die Wollust [la luxure]. Geilheit [le rut]. Cf. latin, libet, lubet : es gefällt [il convient], Behagt [il plaît]. Sedes libidinis = clitoris. » En-deçà du vocabulaire freudien, ces quelques lignes empruntées au Kritisch-etymologisches medicinisches Lexikon de Ludwig August Kraus (3e édition, 1844) attestent l'enracinement de la notion dans la tradition de la psychologie médicale, elle-même héritière de la théologiemorale. Que la libido, de surcroît, y soit présentée comme l'apanage de la sexualité féminine (sedes libidinis = clitoris) nous incite à une confrontation plus approfondie avec les ambiguïtés de l'usage latin, dont les classiques ont su tirer le parti le plus brillant au bénéfice d'une littérature licencieuse assurément familière aux humanistes modernes de la Sexualwissenschaft. Une fois connotée sa signification sexuelle, la racine étymologique du terme – commune au latin libet ou lubet (il plaît), au sanskrit lubh, à l'allemand lieben ou à l'anglais love – ne décide pas, en effet, de son sexe. La libido, lorsqu'elle désigne le rut (de rugire, rugir) ou son équivalent humain, s'appliquera sans discrimination à la « chaleur » sexuelle du mâle et de la femelle. Mais c'est précisément de cette ambiguïté que jouera en des textes exemplaires la poésie érotique, comme si la séduction du fantasme avait, à deux mille ans de distance, anticipé sur la problématique de la psychanalyse, telle qu'elle s'affirmera en 1932 dans la cinquième des Nouvelles Conférences sur la psychanalyse sous le titre « La Féminité ».

Du fantasme à la problématique

Au premier chef, Ovide. Sans que la libido y soit encore expressément désignée, L'Art d'aimer nous livrera la clé de la fantaisie développée à une date voisine par la fabulation plus libre des Amours : « Hommes, célébrez votre poète, écrivait Ovide en conclusion du livre II [...]. Que tous ceux qui, grâce au glaive reçu de moi, triompheront d'une Amazone inscrivent sur les dépouilles triomphales : Naso était mon maître. Mais voici que les tendres jeunes filles me demandent des préceptes : vous serez le premier objet dont vont s'occuper mes vers. » Avec le livre III s'élève, en effet, l'invocation à la reine des Amazones : « J'ai donné des armes aux Grecs contre les Amazones ; il me reste maintenant, Penthésilée, à donner aussi des armes à toi et à tes escadrons. » Aussi bien, dans le meilleur des cas, la jouissance couronnera-t-elle l'enseignement : « Suivez ce traité, fruit d'une longue expérience ! [...] Que la femme sente le plaisir de Vénus l'abattre jusqu'au plus profond de son être, et que la jouissance soit égale pour son amant et pour elle. » Toutes, hélas !, n'y aboutissent pas : « Combien il faut plaindre la femme chez laquelle reste stupide et engourdi ce lieu où doivent jouir de concert l'homme et la femme. » Cette jouissance qu'elles n'éprouvent pas, du moins pourront-elles la « feindre à grand renfort de cris et de halètements. Mais je rougis de poursuivre, confie le poète : cette partie [du corps] a des moyens d'expression secrets ». S'adressant aux hommes au livre II, il ne s'en était pas moins montré plus précis : « Quand tu auras trouvé l'endroit que la femme aime à sentir caressé, la pudeur ne doit pas t'empêcher de le caresser. »

À travers ces deux passages, le sedes libidinis de Ludwig August Kraus est ainsi visé, sans être expressément désigné. Aussi bien n'était-ce pas à la didactique de L'Art d'aimer mais à la libre fabulation des Amours qu'il revenait, tout en le désignant de son nom propre de libido, d'en faire surgir l'[...]

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Écrit par

  • : professeur honoraire de philosophie à l'université de Paris-X-Nanterre

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