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LIBIDO

L'analogie de l'intoxication

Notre accoutumance au langage psychanalytique est telle que l'on tend à oublier la rigueur méthodologique – d'un style très classique – avec laquelle s'est engagée la construction du concept de la libido. Intervenant sur le terrain clinique de la névrose d' angoisse, elle est préparée selon le témoignage de Freud (lettre 44 du 2 avril 1896) par l'analogie des affections avec une certaine forme d'intoxication : « J'ai toujours considéré, écrit-il à Wilhelm Fliess, la névrose d'angoisse et les névroses en général comme résultat d'une intoxication et j'ai souvent pensé à la similitude des symptômes dans la névrose et le goitre exophtalmique (le Basedow). » Le modèle introduit l'hypothèse d'une excitation endogène. S'agissant de la névrose d'angoisse, le problème sera de caractériser celle-ci dans sa spécificité et d'en suivre la transformation dans le registre du psychisme : la progression est décrite en des termes voisins dans le manuscrit daté de juin 1897 et, l'année suivante, dans l'article sur « Les raisons de séparer de la neurasthénie un complexe somatique déterminé », sous le nom de « névrose d'angoisse », en conformité avec les règles les mieux établies de la méthode expérimentale. Ici et là, le concept de libido est appelé à déterminer le changement d'état de l'excitation de l'organique au psychique.

Ainsi, dans le manuscrit adressé à Fliess, Freud part-il d'observations attestant que l'angoisse des névrosés est imputable à la sexualité ; éliminant l'influence psychique (femmes frigides), il recueille alors « les faits suggérant une cause sexuelle d'ordre physique » (sujets vierges, continents intentionnels ou par nécessité, coït interrompu, etc.) Un élément commun est constitué par la continence. D'où l'hypothèse d'une accumulation de la tension physique et de la transformation de celle-ci, la nécessité de réactions spécifiques permettant de réduire la quantité d'excitation, l'existence d'un seuil à partir duquel la tension endogène « prenant contact avec certains groupes de représentations [...] suscite de la libido psychique ». Que la connexion psychique, cependant, ne puisse se produire, la tension qui n'a pas été psychiquement liée « se transformera en angoisse ». Tel sera le cas de la névrose d'angoisse, où l'on relèvera une insuffisance d'« affect sexuel », de « libido psychique ». L'observation le confirme. Faisant retour sur les exemples d'angoisse précédemment évoqués, Freud se demande alors si le mécanisme théoriquement construit sous l'égide de la libido s'y retrouve effectivement. De fait, « la tension sexuelle se transforme en angoisse dans le cas où, tout en se produisant avec force, elle ne subit pas l'élaboration psychique qui la transformerait en affect ».

En ce premier temps de recherche, la libido se présente donc sous un double aspect. D'une part, elle est le résultat du processus d'élaboration (Verarbeitung) de l'excitation organique en excitation psychique ; d'autre part, elle se définit comme « affect sexuel ». La seconde version doit être entendue « dans son sens le plus large », comme une excitation en quantité bien déterminée » (lettre du 21 mai 1894) ou comme la qualité de l'expérience qui la manifeste. La première de ces versions a le grand intérêt d'appeler des précisions sur les conditions dans lesquelles précisément s'opère, ou se trouve exclue, la transformation de l'incitation organique en libido psychique : ainsi distinguera-t-on entre la perte de la libido et divers modes d'exclusion de la transformation libidinale, celle-là caractérisant la mélancolie[...]

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Écrit par

  • : professeur honoraire de philosophie à l'université de Paris-X-Nanterre

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Jupiter, Antiope et Amour, H. Aachen - crédits : DeAgostini/ Getty Images

Jupiter, Antiope et Amour, H. Aachen

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