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LIBIDO

Le sexe de la libido à la lumière de la castration

La notion platonicienne de l'Éros repose sur le mythe de l'unité de l'androgyne primordial. De même est-ce d'un mythe que Jacques Lacan partait au congrès de Bonneval de 1960, marquant sa conception de la libido de cette touche de fantaisie que Freud tenait pour indispensable à tout progrès de sa métapsychologie : mythe de l'œuf « qui peut-être s'indique comme refoulé à la suite de Platon dans la prééminence accordée pendant des siècles à la sphère dans une hiérarchie des formes sanctionnées par les sciences de la nature ». Considérons, en effet, cet œuf dans le ventre vivipare : « Chaque fois que s'en rompent les membranes, c'est une partie de l'œuf qui est blessée [...]. À la section du cordon, ce que perd le nouveau-né, ce n'est pas [...] sa mère, mais son complément anatomique. Ce que les sages-femmes appellent le délivre. » Eh ! bien, imaginons « qu'à chaque fois que se rompent les membranes, par la même issue un fantôme s'envole » : à casser l'œuf, poursuit Lacan, « se fait l'Homme, mais aussi l'Hommelette ». Jeu de mots dont on tiendrait sans doute la saveur pour douteuse s'il ne s'autorisait subrepticement de l'étymologie de Bloch et Warburg et de la lexicographie de Littré, sources familières à Lacan, et dont le rappel nous dote d'un commentaire précieux à sa conception de la libido.

Changeons, en effet, le nom d'omelette pour celui de « lamelle », dont l'étymologie témoigne qu'il en est l'origine – en d'autres termes, dont « le mot omelette n'est qu'une métastase », nous dit Jacques Lacan, songeant tout à la fois sans doute à son application médicale au cancer et à son acception en tant que figure de rhétorique consistant, selon Littré, à « rejeter sur le compte d'autrui les choses que l'orateur est forcé d'avouer », sans oublier non plus l'acception minéralogique du mot métastatique au sens « d'un cristal offrant des angles plans et des angles saillants égaux à ceux du noyau, en sorte que ceux-ci semblent avoir été transportés sur la forme secondaire » ; sans oublier enfin que l'on entendra par « antennes lamellées » celles « dont les articles sont distincts et peuvent s'épanouir ou se fermer ».

Cela dit, l'image de la lamelle et le mythe qui l'introduit « paraissent assez propres, dit Lacan, à figurer autant qu'à mettre en place ce que nous appelons la libido ». La libido en effet, précise Lacan, est « cette lamelle qui glisse l'être de l'organisme à sa véritable limite, qui va plus loin que celle du corps ». Soupçonnera-t-on ici l'écho d'une certaine phénoménologie du corps que traduit l'expression, chez Husserl et chez ses émules, d'organisme intentionnel ? Tant s'en faut, s'il est vrai qu'en l'occurrence cet organe se constitue d'une rupture aisément imaginable si l'on admet que, « à chaque fois que se rompent les membranes d'où va sortir le fœtus en passe de devenir nouveau-né, quelque chose s'en envole ». Tel Cupidon. Plus généralement, sur ce modèle qu'est le mythe, on pourra dire que la lamelle « représente cette part du vivant qui se perd à ce qu'il se reproduise par les voies du sexe ». C'est de cela, dira Lacan en 1964 dans le séminaire publié en 1972 sous le titre Les Quatre Concepts fondamentaux de la psychanalyse et où il reprend, pour l'essentiel, son intervention de Bonneval de 1960, « que sont les représentants, les équivalents, toutes les formes que l'on peut énumérer de l'objet a. Les objets a n'en sont que les représentants, les figures. Le sein – comme équivoque, comme élément caractéristique de l'organisation mammifère,[...]

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Écrit par

  • : professeur honoraire de philosophie à l'université de Paris-X-Nanterre

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