LIBRES ENFANTS DE SUMMERHILL, A. S. Neill Fiche de lecture
La genèse de ce classique de la pédagogie libertaire (prolongé en 1967 par La Liberté, pas l'anarchie) doit être directement rapportée à la biographie et à l'expérience que l'auteur mène à partir de 1921 avec la création d'une école autogérée, Summerhill. Fils d'enseignants, l'Écossais Alexander Sutherland Neill (1883-1973) épouse la carrière professorale, d'abord dans l'enseignement primaire qu'il évoquera dans plusieurs ouvrages (Le Journal d'un instituteur de campagne, Renvoi d'un instituteur, Les Incertitudes d'un instituteur), puis en occupant différents postes d'universitaire et de direction. Très vite dégoûté par le rigorisme répressif de l'éducation victorienne, il recherche des voies alternatives à la conception réductrice et autoritaire imposée par l'école traditionnelle. Lecteur de John Ruskin, il se montre ainsi soucieux de concevoir et promouvoir un modèle scolaire qui encourage l'épanouissement de la personnalité de l'enfant. Influencé par Freud et les théories thérapeutiques de l'Américain Homer Lane fondées sur l'amour et la confiance, il critique les vues idéalistes des pédagogues inspirés par Jung (Cecil Reddie, H. Bradley, Maria Montessori) et cherche à mettre le savoir psychanalytique au service de l'éducation. Après plusieurs expériences pédagogiques au Royaume-Uni et sur le continent, il installe finalement dans l'est de l'Angleterre, à Leiston (Suffolk), l'établissement de Summerhill, d'abord réservé aux enfants inadaptés, puis à un public scolaire plus classique à partir de 1937, suite à sa rencontre décisive et à son analyse avec Wilhelm Reich.
« L'école probablement la plus heureuse du monde »
Libres Enfants de Summerhill s'organise en sept chapitres composant trois grandes parties. La première partie est consacrée à un portrait général de l'établissement et à l'organisation de la vie des élèves (chap. i) ; la deuxième aborde de manière analytique un certain nombre de thèmes, des techniques pédagogiques aux problèmes des relations parents-enfants en passant par la religion ou encore la sexualité (chap. ii-vi) ; la dernière partie, conclusive et limitée à un seul chapitre, revient, sous la forme d'une série de questions-réponses, sur l'ensemble de la politique éducative menée à Summerhill.
L'idée que « l'école serve les besoins de l'enfant, plutôt que l'inverse » procède d'un esprit de liberté que le chapitre i décline à travers le refus de l'autorité professorale et des examens, la promotion de la gestion par assemblée générale, des principes d'autodétermination et d'égalité statutaire de tous, des cours facultatifs et des séances de soutien psychologique (dites « leçons particulières »). Après la description de la communauté scolaire, des modalités de son recrutement et du déroulement d'une journée type, A. S. Neill critique l'inutilité des méthodes et des savoirs académiques dont il se démarque en pratique en développant les activités artistiques, ludiques et sportives qui favorisent l'épanouissement de l'enfant et sa réussite, mesurée à l'aune de « sa capacité à travailler joyeusement et à vivre positivement ». Comme un hommage du vice à la vertu, deux élogieux rapports d'inspection, publiés à la fin de cette partie, viennent apporter la caution du système éducatif traditionnel à l'expérience menée à Summerhill.
La deuxième partie ouvre sur l'opposition entre la pédagogie dominante « du conditionnement et du dressage » et l'éducation fondée sur « l'autonomie qui implique la foi dans la bonté de la nature humaine ». Elle présente les réponses qu'apporte Summerhill aux conduites destructrices et bruyantes, aux[...]
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Écrit par
- Éric LETONTURIER : docteur en sociologie, D.E.A. de philosophie, maître de conférences à l'université de Paris V-Sorbonne
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