LIBRES ENFANTS DE SUMMERHILL, A. S. Neill Fiche de lecture
Une utopie en pédagogie ?
La pensée d'Alexander Sutherland Neill doit beaucoup à l'œuvre de Jean-Jacques Rousseau. À côté de sa croyance optimiste en la bonté naturelle de l'homme, l'auteur s'inscrit dans cette tradition pédagogique, ouverte par Rousseau, qui organise sa réflexion autour du développement de l'enfant pris dans sa singularité et des divers investissements affectifs dont il fait l'objet. Ce faisant, il s'écarte de l'idéal normatif mis au service de l'étiquetage du normal et du pathologique. Dans ce cadre, l'éducation ne réside pas dans l'acquisition de savoirs, mais dans la connaissance de soi et l'expression des désirs selon une maïeutique libératrice et orientée vers l'épanouissement et le bonheur du sujet. En dépit des critiques adressées au système éducatif dominant et des sombres descriptions de l'enfant conditionné par les forces répressives d'une société standardisée et obsédée par la réussite, cette démarche, qui justifie pourtant l'instauration d'un self-government à Summerhill, ne trahit chez Neill aucune velléité de réformisme social.
Malgré la générosité du projet, l'idéalisme de cette pédagogie, les problèmes d'intégration en société que la fréquentation de Summerhill peut provoquer et la dénonciation systématique de toute forme d'autorité et de toute opinion imposée nourrirent de nombreuses controverses.
L'influence déclarée de S. Freud, H. Lane et W. Reich sur Neill n'invite pas ce dernier à se défaire d'un empirisme strict et d'une méthode élaborée au fil des cas rencontrés. La faible conceptualisation d'une présentation qui adopte la forme du récit d'expérience et de l'exposé de souvenirs personnels étonnera le lecteur habitué aux théorisations abstraites des traités de pédagogie.
Traduit dans toutes les langues, l'ouvrage connut un succès rapide au point d'être au programme dix ans après sa publication d'un très grand nombre d'universités américaines, tandis que Summerhill a servi jusqu'à nos jours de modèle à maintes entreprises d'autogestion.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Éric LETONTURIER : docteur en sociologie, D.E.A. de philosophie, maître de conférences à l'université de Paris V-Sorbonne
Classification