LIED
Voulant définir le lied par une formule lapidaire, Vincent d'Indy le décrit comme « l'expression musicale concise d'un fait ou d'un sentiment ». Définition incomplète, en ce qu'elle omet ce qui est l'essence même du lied : condensé homogène de musique et de poésie, si étroitement solidaires l'une de l'autre qu'on peut difficilement dégager une loi capable de rendre compte de ce mystérieux et peut-être fragile équilibre.
L'éclosion du lied dans la musique illustre en tout cas une époque heureuse où la voix humaine a trouvé un emploi exactement à sa mesure. Mais où situer cette époque ? Le premier nom qui se présente à l'esprit est celui de Schubert ; et l'on pourrait alors s'étonner qu'il ait fallu attendre si longtemps pour que se réalise dans sa perfection un phénomène aussi naturel. Mais, à la vérité, il s'agit avec lui moins d'une naissance que d'une résurrection du lied. On peut presque dire que c'est par le lied que la musique a commencé, réserve faite toutefois de la fonction liturgique séculaire de la musique. Mais la musique populaire est, elle aussi, séculaire et, plus naïvement sans doute et plus sommairement surtout, elle n'a jamais parlé un autre langage que celui de la musique savante.
Des troubadours à Schubert
C'est un fait d'histoire que la poésie ne se récitait pas, mais se chantait, aussi bien dans l'Antiquité qu'au Moyen Âge. Les premiers troubadours n'ont jamais fait autre chose que de donner à la musique populaire ses lettres de noblesse en créant, dans son sillage, des chansons de plus en plus raffinées à l'usage des châtelaines et châtelains, qui enjolivaient la brutalité de leurs mœurs primitives avec les délicatesses, toutes verbales, de l'amour courtois.
La chanson de troubadour était donc un lied ; cette forme d'art, qui fleurit dans les premiers âges de la musique d'Occident et puis se perd peu à peu, demeure en sommeil pendant près de deux siècles avant de renaître très timidement avec le compositeur allemand Johann Rudolf Zumsteeg (1760-1802), aujourd'hui oublié, puis avec Mozart, Haydn, Beethoven, pour trouver enfin son accomplissement chez Schubert ; la tradition de la naissance conjointe du texte et de la musique s'étant très rapidement perdue en route.
Quelques noms pourraient jalonner cette longue histoire, Guillaume de Machaut, Gilles Binchois ou, dans l'Angleterre du début du xviie siècle, John Dowland.
À l'actif de Mozart, on ne peut citer qu'un assez petit nombre de lieder authentiques. Le lied, art de coin du feu, n'est pas trop à son aise dans les salons d'apparat de l'Ancien Régime. De plus, Mozart est homme de théâtre, et la tradition du Singspiel ou de l'air d'opéra perce à travers la plupart de ses lieder.
Le cycle de lieder le plus connu de Beethoven est celui qui s'intitule An die ferne Geliebte (À la bien-aimée lointaine). On y trouve la forme strophique qu'exploitera Schubert, quelques inflexions mélodiques d'où la veine populaire n'est peut-être pas absente. Mais ce qui règne dans ce style, c'est moins l'esprit du lied que celui de la grande sonate, dans la forme « thème et variations ».
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Écrit par
- Henry BARRAUD : compositeur de musique, ancien directeur de la musique et du programme national de la Radiodiffusion française
Classification
Médias
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