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LIGNAGE

Si le mot lignage implique toujours entre tous ceux qui en font partie un lien de parenté par le sang qui remonte à un ancêtre commun plus ou moins éloigné, son sens varie considérablement, selon qu'il reconnaît indifféremment toutes les lignes généalogiques qui descendent de l'ancêtre commun ou qu'il privilégie au contraire l'une d'entre elles. L'histoire de la coutume européenne et française montre comment, au cours du Moyen Âge, on est passé d'une définition du lignage étendue à toutes les lignes généalogiques à une définition qui le restreint à la seule ligne agnatique, c'est-à-dire celle qui ne tient compte que des consanguins par les mâles.

En anthropologie, on s'accorde aisément sur la définition des lignages s'il s'agit de groupes de filiation unilinéaire, qu'ils soient agnatiques ou utérins, mais les avis divergent à propos des groupes de filiation indifférenciée ; certains n'y voient que des groupes de parents et non des lignages.

Cependant, la plupart des auteurs reconnaissent aujourd'hui combien la distinction entre différents types de filiation qui découpent la société en lignages unilinéaires est souvent schématique et arbitraire. De même qu'un lignage unilinéaire reconnaît toujours des droits et reçoit des services des autres lignées, de même les sociétés qui pratiquent la filiation indifférenciée ont, le plus fréquemment, une inflexion patrilinéaire.

Peut-on, dans ces conditions, considérer que les divers types de lignage permettent de cerner un système lignager capable d'expliquer l'organisation sociale de certaines sociétés et d'en manifester la structure sous-jacente ? La très grande diversité des sociétés à lignages, quant à leur relation au territoire qu'elles occupent et quant aux formes de pouvoir qu'elles tolèrent, tend à prouver que le mode de recrutement des groupes lignagers de filiation n'est qu'une des données de l'interprétation des structures sociales, et qu'il faut recourir à l'alliance pour saisir la structure des relations qui fondent la distinction des groupes.

Vers une définition scientifique

Le lignage du Moyen Âge

À la différence des gentes romaines qui établissaient la primauté absolue de la filiation en ligne masculine, l'Occident médiéval donnait à la parenté « un caractère nettement bifide », selon l'expression de Marc Bloch. La structure du lignage incluait aussi bien les parents « du côté de l'épée », que les parents « du côté de la quenouille ». L'existence d'un tel lignage apparaissait surtout à l'occasion de la vendetta, appelée en vieux français « faide » et qui faisait obligation aux parents de toujours venger un meurtre par un autre meurtre. Ce droit de vengeance était une obligation morale de caractère sacré. Le souverain ne pouvait grâcier un meurtrier que si ce dernier avait pu s'entendre au préalable avec le lignage de la victime, en payant le prix du sang ou « prix de l'homme ». La somme était réunie par le lignage du meurtrier et partagée par tout le lignage de la victime.

Mais, il n'y avait pas que la violence pour manifester la solidarité du lignage. En effet, on vit s'instaurer au xiiie siècle et s'étendre peu à peu à presque toute l'Europe l'institution du « retrait lignager », qui permettait à un membre du lignage de racheter les biens aliénés par un autre de ses membres.

Pourtant, le lignage était soumis à des changements continuels qui affectaient chaque fois sa composition même, puisqu'à chaque mariage ses contours étaient modifiés par l'adjonction d'une ligne nouvelle. Aussi ne portaient-ils, le plus souvent, pas de nom. Il fallut attendre le xiiie siècle pour observer d'abord un rétrécissement des limites du lignage et son morcellement[...]

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Écrit par

  • : directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales

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Média

Habitants des îles Trobriand - crédits : Central Press/ Getty Images

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