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KRAUS LILI (1905-1986)

Une légende auréole la carrière de la pianiste Lili Kraus, considérée, surtout dans le Nouveau Monde, comme l'une des grandes spécialistes de Mozart après les séries de concerts au cours desquels elle donna, notamment entre 1966 et 1968 à New York, l'intégrale des concertos et des sonates pour piano du maître de Salzbourg.

Née à Budapest le 4 mars 1905, Lili Kraus appartenait à cette génération d'artistes hongrois qui ont été formés à la grande époque de l'Académie royale de Budapest, en particulier par Belá Bartók et Zoltán Kodály. De père tchèque et de mère hongroise, elle reçoit dès l'âge de six ans ses premières lecons de piano et entre à l'Académie royale en 1913. Après avoir obtenu son premier prix de piano à dix-sept ans, elle part pour Vienne en 1922, où elle est l'élève d'Edward Steuermann à l'Académie. Elle travaille également avec Artur Schnabel. Trois ans plus tard, elle devient elle-même professeur à l'Académie de musique (1925-1931). À Vienne, elle découvre la musique de Mozart, qui sera le fil conducteur de sa carrière. En 1931, elle abandonne l'enseignement pour se consacrer totalement au concert. Son répertoire se réfère essentiellement aux grands compositeurs viennois – Haydn, Mozart, Beethoven et Schubert –, dont elle enregistre alors la plupart des œuvres : elle grave la première intégrale des sonates pour piano de Mozart et l'intégrale des sonates pour piano et violon de Beethoven en compagnie de Szymon Goldberg, avec lequel elle forme, entre 1935 et 1940, un duo qui marque l'histoire de l'interprétation mozartienne. À la même époque, elle épouse un Autrichien, le docteur Otto Mandl, puis se fixe à Londres après l'Anschluss.

Pendant une tournée aux Indes orientales néerlandaises, en 1942, elle est arrêtée à Java par les Japonais qui la traitent comme prisonnier de guerre. Elle sera internée trois ans ; d'abord soumise aux plus durs labeurs d'un camp de concentration, elle bénéficiera d'un régime plus humain, sans pouvoir toutefois travailler son instrument, grâce à l'intervention d'un officier japonais qui avait assisté à l'un de ses récitals avant la guerre.

À sa libération, en 1945, ses doigts ont perdu toute sensibilité : elle repart de zéro et s'installe quelque temps en Nouvelle-Zélande, dont elle devient citoyenne honoraire. Elle rayonne autour de ce pays, se rendant en Australie (1946-1947) et en Afrique du Sud (1948) avant de revenir en Europe à la fin des années 1940. En 1948, elle devient citoyenne britannique. Elle enregistre à nouveau l'œuvre de Mozart : l'intégrale des concertos avec l'orchestre du festival de Vienne dirigé par Stephen Simon, les sonates pour violon et piano et les trios avec Willi Boskovsky et Nikolaus Hübner. Couverte d'honneurs, elle donne notamment un récital pour le mariage du shāh d'Iran et elle est la première artiste à jouer de la musique profane dans la cathédrale de Canterbury.

Fixée aux États-Unis, elle est nommée à partir de 1968 artiste résidente à 1'université chrétienne du Texas, à Fort Worth, où elle enseigne. Retirée en Caroline du Nord auprès de sa fille, elle y meurt, à Asheville, des suites d'une opération, le 6 novembre 1986.

Lili Kraus reste le symbole d'un renouveau de l'interprétation mozartienne après les excès des générations issues du postromantisme. Profondément marquée par l'approche de Schnabel, elle a su refuser une certaine approche stéréotypée, en mi-teinte, qui commençait à s'imposer, pour offrir de la musique de Mozart un visage vivant, sans lui ôter sa transparence. Ses moyens techniques, certainement limités, étaient compensés par son imagination poétique et son caractère enjoué. Ce sourire, qui reste lié à ses interprétations mozartiennes, ne correspond peut-être qu'à un aspect de l'œuvre[...]

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Écrit par

  • : chef d'orchestre, musicologue, producteur à Radio-France

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