LILLE
Architecture et urbanisme
Ravages des guerres, destructions non moins graves dues à l'expansion industrielle et commerciale, une certaine indifférence aussi des habitants à l'égard des vestiges du passé : les conditions semblent avoir été réunies pour accélérer la disparition de la ville ancienne. Toutefois, le discrédit qui pèse sur Lille est injuste. Les témoignages d'un riche passé existent encore en assez grand nombre et d'une assez belle qualité pour mériter l'attention et, depuis les années 1960, la remise en valeur des édifices anciens se poursuit. Si l'existence d'un passé romain est attestée, les vestiges en sont fort peu de choses. Le développement de la ville est tardif ; les premiers sanctuaires nous demeurent inconnus. Des fouilles ont révélé une crypte sur le site de la collégiale Saint-Pierre. Les recherches de Jacques Gardelles font remonter les premiers éléments de celle-ci (détruite à la Révolution) aux années 1220-1230. Mais la construction fut lente et ne se termina qu'au temps de Charles Quint. Lille possédait en outre quatre églises paroissiales, toutes du type hallekerke (Hallenkirche, en allemand) : Saint-Étienne (incendiée en 1792), Saint-Sauveur (incendiée en 1895), Saint-Maurice et Sainte-Catherine, toutes deux considérablement transformées du xviie au xixe siècle.
Des constructions monastiques et hospitalières, nombreuses au Moyen Âge, il ne reste que la salle des malades de l'hospice Comtesse (1469-1482) et celle de l'hospice Ganthois (fondé en 1462). Les hôtels urbains (on a trouvé mention d'une centaine d'entre eux, chiffre qui surprend, mais Lille était ville de résidence ducale) ont tous disparu. Les ducs de Bourgogne résidèrent d'abord au palais de la Salle (aucun vestige) puis au Palais-Rihour (1461-1473) de brique et de pierre et d'un parti architectural sans originalité particulière ni faste extérieur (seuls vestiges subsistants : la chapelle et un escalier). Des édifices municipaux, modestes eux aussi, contrastent avec les fastueux hôtels de ville et les fiers beffrois des autres cités flamandes. Pourtant, Lille est prospère : son enceinte aux huit portes se révèle trop petite et la ville procède, en 1603, à son quatrième agrandissement, bientôt suivi d'un cinquième en 1617 (porte de Gand en 1621 et porte de Roubaix en 1625). Alors commence l'âge d'or de la cité, illustré par la vigoureuse originalité de son architecture. On assiste à la constitution progressive d'un véritable style lillois qui, parti de formules simples mais franches (maison des Vieux Hommes, 1624), s'enrichit peu à peu, cherche et trouve ses motifs d'inspiration dans le maniérisme anversois (Lombard de W. Coebergher, 1626 ; maison de Gilles de Le Boe, 1636) et s'exprime enfin de la façon la plus magnifique dans la Bourse, le chef-d'œuvre de Julien Destrée, en 1652. C'est, dans l'architecture civile, l'édifice majeur avant la conquête française. Édifice de prestige par les moyens mis en œuvre et sa situation privilégiée, la Bourse ne pouvait manquer d'exercer la plus grande influence sur l'architecture domestique : maisons à pilastres des rues des Manneliers, Le Pelletier, Esquermoise, de la place du Palais-Rihour, de la Monnaie, « rang » du Beauregard, etc.
La ville aux rues médiévales, aux maisons modestes, la plupart construites en bois, devient une cité nouvelle où la richesse se lit aux façades dans la profusion de la décoration sculptée et la variété pittoresque des motifs. Restée à l'écart des courants de la Renaissance, elle passe en quelques décennies d'un gothique prolongé et marqué d'austérité à un style généreux jusqu'à l'exubérance où triomphe le maniérisme nordique.
En 1667, Lille devient française. Vauban, en trois ans, y construit son[...]
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Écrit par
- Jean-Jacques DUTHOY : professeur à l'École européenne de Bruxelles
- Pierre-Jean THUMERELLE : professeur des Universités, université des sciences et technologies de Lille (Lille-I)
Classification
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