PALMER LILLI (1914-1986)
Lilli Palmer appartient à cette race très rare de comédiennes qui transcendent l'appellation quelque peu banalisée de vedette « internationale ». Peu d'actrices, en effet, auront irradié autant de charme, d'intelligence et de passion pour les langues que cette femme qui passa avec bonheur des scènes de Broadway à celles de Paris ou de Londres.
Née à Posen en Allemagne (aujourd'hui Poznań, Pologne), Lilli Palmer (de son vrai nom Lilli Marie Peiser) passe son enfance à Berlin. Elle se tourne d'abord vers l'art dramatique et interprète de nombreux textes du répertoire. En 1934, à l'arrivée de Hitler au pouvoir et à la suite de la promulgation des lois anti-juives, elle fuit avec sa sœur à Paris sur les instances de son père, chirurgien de renom. Dans son autobiographie Dicke Lilli - gutes Kind (1974), traduite en français sous le titre Un bon petit soldat, elle évoquera son passage dans des cabarets parisiens et dans une revue du Moulin-Rouge.
Désirant poursuivre ses études de comédienne, Lilli Palmer part pour Londres, où elle obtient un contrat avec la Gaumont British. Les spectateurs découvrent, avec surprise, une jeune fille robuste et blonde dans le film d'Hitchcock Quatre de l'espionnage (1936), où elle joue au côté de John Gielgud et de Madeleine Carrol. Avec beaucoup d'humilité, elle observe les grands comédiens de la scène londonienne dont elle est la partenaire. Son accent, à l'instar de Romy Schneider, ajoute un charme troublant à sa beauté, peu conforme aux canons de l'époque. Une tournée théâtrale la conduit aux États-Unis, où elle épousera Rex Harrison. Hollywood s'intéresse à elle, mais, vraisemblablement, ne sait pas très bien comment utiliser sa théâtralité et sa sophistication. De fait, alors que Lilli Palmer aurait pu réussir une carrière cinématographique à la Ingrid Bergman, ses autres rôles si l'on excepte Cape et poignard (1946) de Fritz Lang, tourné au côté de Gary Cooper, et Sang et or (1947), où elle a pour partenaire John Garfield seront plutôt décevants.
Heureusement, Broadway lui offre la consécration avec César et Cléopâtre de George Bernard Shaw, Bell, Book and Candie, L'Amour des quatre colonels, et surtout Le Ciel de lit qu'elle interprète avec Rex Harrison sur les scènes new-yorkaises, et dans l'adaptation cinématographique d'Irving Reis. En 1952, elle reçoit la plus grande récompense théâtrale (Tony Award) pour son interprétation à Broadway.
En 1954, Lilli Palmer retourne en Europe et interprète quelques films en Allemagne – dont en 1958 le remake de Jeunes Filles en uniforme, tourné dans les années 1930 par Léontine Sagan. Trois cinéastes français sauront particulièrement bien l'utiliser : Jacques Becker dans Montparnasse 19 (1958), Leonard Keigel dans Leviathan (1962) et surtout Roger Leenhardt dans Rendez-Vous de minuit (1961). Parallèlement, elle interprète sur scène Adorable Julia et tourne en 1962, avec Charles Boyer, l'adaptation cinématographique franco-autrichienne qui porte le même titre.
Si elle travaille toujours avec des partenaires exceptionnels (Clark Gable, Fred Astaire, William Holden dans The Pleasure of His Company, [Mon Séducteur de père, 1961]), les films auxquels elle participa n'ont guère laissé de trace... Lilli Palmer forme par la suite un couple inattendu avec Fernandel dans Le Voyage du père (1966), où, malgré son talent, elle a du mal à nous faire croire à son personnage de « solide terrienne ». Elle sera également la partenaire de Jean Gabin dans Le Tonnerre de Dieu (1965).
Dans les années 1970 et 1980, Lilli Palmer ne tourne plus guère que pour la télévision. Elle privilégie ses deux autres passions : la peinture et l'écriture. Outre son autobiographie, elle écrivit notamment un roman, Le Corbeau rouge, aussi discret et serein que les romans-souvenirs[...]
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Écrit par
- André-Charles COHEN : critique de cinéma, traducteur
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