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ANDERSON LINDSAY (1923-1994)

Amorcée dans les certitudes militantes du free cinema du début des années 1960 en Angleterre, la parcimonieuse carrière de Lindsay Anderson (six longs-métrages en trente ans) se démarqua ensuite de cette première veine réaliste. Ce faisant, et après le retentissement soixante-huitard de If..., le cinéaste convainquit de moins en moins la critique et le public, laissant le souvenir d'un théoricien fervent, plus que d'un réalisateur inspiré.

Au lendemain de la guerre, après trois années passées dans l'armée des Indes (où son père fut officier), Lindsay Anderson participe à la création par Gavin Lambert des revues Sequence (éditée par l'université d'Oxford) puis Sight and Sound, qui vont œuvrer pour un cinéma libre où prédomine la responsabilité morale et sociale. Il y fustige l'académisme du cinéma anglais traditionnel, autant que l'impérialisme de Hollywood. En même temps, Anderson revendique l'influence de John Ford, qu'il considère comme son maître (il lui consacrera en 1981 un ouvrage remarquable). Parallèlement, il tourne des courts-métrages à l'amateurisme « expérimental » (dans O Dreamland, 1953, il promène librement sa caméra dans une fête foraine).

C'est en 1963 qu'il réalise son premier long-métrage de fiction, et sans doute le meilleur : Le Prix d'un homme (This Sporting Life), d'après David Storey, met en scène un mineur du Yorkshire qui parvient à échapper à sa condition en devenant champion de rugby à XIII. Son agressivité fait merveille sur le terrain, mais, dans sa vie privée, ce tempérament est un handicap qui mène à l'échec sa relation avec une jeune veuve (Rachel Roberts). Un réalisme tranchant et l'interprétation spectaculaire de Richard Harris font du film une incontestable réussite, mais son échec commercial contribue à affaiblir l'intérêt des producteurs envers le courant vite épuisé du free cinema. Lindsay Anderson poursuit son activité critique, retourne au documentaire, met en scène pour la télévision et le théâtre.

If... (1968) fait scandale dans son pays, mais lui vaut une consécration internationale et la palme d'or à Cannes en 1969. Le cinéaste y prône une liberté formelle qui mêle satire sociale et fable onirique, au service d'une entreprise idéologiquement confuse : trois lycéens se rebellent contre le système répressif de leur collège et, dans un hommage à Zéro de conduite de Jean Vigo, montent sur le toit de l'établissement pour mitrailler arbitrairement la foule des étudiants, des parents et du corps enseignant. Les meilleures séquences sont celles qui décrivent les brimades dont les jeunes héros sont victimes ; leur révolte anarchique est moins convaincante, avec l'intrusion didactique de l'imaginaire dans le réel. Lindsay Anderson s'est trouvé un acteur fétiche en Malcolm McDowell, véritable révélation qu'il réutilisera dans les deux autres volets de sa saga antisociale : Le Meilleur des mondes possibles (O Lucky Man !, 1973), transposition de Candide dans la civilisation capitaliste, et Britannia Hospital (1982), féroce dénonciation du monde de la médecine, symbolisant la décadence de la société britannique. Ces deux films ambitieux affichent les limites d'un cinéma qui, paradoxalement, voudrait s'affranchir de toute contrainte, mais où l'effet de style tourne vite au procédé.

Finalement, c'est en revenant à des adaptations plus classiques que Lindsay Anderson retrouve une véritable sensibilité : In Celebration (1975), qui renoue avec David Storey, et surtout Les Baleines du mois d'août (The Whales of August, 1987), son dernier film, tourné aux États-Unis d'après une pièce de David Berry, dont la distribution de vétérans constitue un délicat hommage aux générations qui lui ont fait découvrir le cinéma (Bette Davis, Lilian Gish, Ann Sothern,[...]

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Écrit par

  • : membre du comité de rédaction de la revue Positif, critique et producteur de films

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