LINGUISTIQUE Domaines
La typologie linguistique
La typologie est la branche de la linguistique qui cherche à classer les langues en types, définis non pas du point de vue de la parenté génétique comme le fait la diachronie, mais d'un point de vue structurel, c'est-à-dire selon les principes d'organisation qui en assurent le fonctionnement. La recherche des différents types de langues est indissociable de la quête d'universaux linguistiques.
La question des universaux du langage
La notion d'« universaux du langage », objet de controverses au sein de la linguistique, est abordée par les typologues dans une perspective autre que celle de la grammaire universelle de Chomsky. Loin de postuler des principes grammaticaux universels qui n'autoriseraient de différences que dans le simple réglage de la valeur de quelques paramètres, les typologues se montrent extrêmement prudents dans la quête des universaux. Préférant souvent parler d'« invariants interlangues », ils cherchent à caractériser de façon inductive, sur la base d'observations des langues les plus diverses, certaines propriétés générales communes à ces langues. Ces invariants constituent le fonds commun de répartition en types : plus que de règles ou de lois, il s'agit de tendances générales dans la façon dont les langues relient les formes et les sens. Les travaux pionniers de Joseph Greenberg portant, dans les années 1960, sur l'ordre des mots, ont conduit à proposer des invariants implicationnels, c'est-à-dire des solidarités entre deux propriétés (par exemple, « si une langue place le nom avant le démonstratif, alors elle place aussi le nom avant la relative »). Greenberg a ainsi ouvert la voie à une floraison de travaux ultérieurs de typologues, comme ceux de Bernard Comrie sur le temps et l'aspect, ceux de Hansjakob Seiler sur la possession ou la localisation, ou bien encore ceux de Gilbert Lazard sur l'actance.
Toutefois, la question des universaux du langage dépasse très largement le seul cercle des typologues. Les grammaires cognitives d'outre-Atlantique s'efforcent de caractériser les opérations invariantes (repérage, profilage, catégorisation...) que les énonciateurs mettent en œuvre pour construire des représentations sémantiques, ainsi que les procédés généraux auxquels fait appel une figure comme celle de la métaphore. De leur côté, les néofonctionnalistes, à l'instar de Talmy Givón, sont à la recherche de schèmes translinguistiques de fonctionnement sémantico-cognitif. D'autres auteurs enfin, telle Anna Wierzbicka, explorent la piste d’hypothétiques primitives conceptuelles à vocation universelle, c’est-à-dire des concepts de base qui seraient disponibles dans toutes les langues et universellement compris.
Grâce à ces travaux sur l'invariance et la variation, la linguistique renoue avec une problématique longtemps occultée, celle de la relativité linguistique (hypothèse dite de Sapir-Whorf), c'est-à-dire de l'impact cognitif des variations entre les langues. Nonobstant l'universalité de la faculté de langage et l'existence d'invariants linguistiques, il apparaît en effet que les structures propres à chaque langue contribuent, au moins dans une certaine mesure, à modeler nos représentations du monde.
Le renouveau des approches typologiques
Le renouveau actuel des études de typologie linguistique, porté par diverses associations et revues scientifiques, a été très largement favorisé par les travaux phares de Hansjakob Seiler (1920-2018) en Allemagne et par ceux de Gilbert Lazard (1920-2018) en France. Pour Seiler, la recherche typologique consiste à construire une sorte de grammaire générale comparative, c'est-à-dire à établir, par induction d'abord puis par abduction, le « menu » à partir duquel les langues individuelles font leur propre choix. Pour Lazard, la typologie doit retrouver,[...]
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Écrit par
- Catherine FUCHS : directrice de recherche émérite au CNRS
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