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LINGUISTIQUE, Edward Sapir Fiche de lecture

Inséparablement linguiste et anthropologue, Edward Sapir (1884-1939) est né dans une famille juive d'origine lituanienne à Lauenburg, en Allemagne. Émigré avec sa famille aux États-Unis en 1899, il s'est consacré aux sociétés autochtones de l'Amérique du Nord sous l'influence de Franz Boas (1858-1942). La découverte des spécificités phonologiques (il est l'un des fondateurs de cette discipline), syntaxiques et sémantiques des langues amérindiennes des États-Unis et du Canada, le conduisit à réviser les conclusions tirées de l'examen des familles linguistiques les plus couramment étudiées (langues indo-européennes et chamito-sémitiques). Il proposa une théorie passée en formule comme « hypothèse de Sapir-Whorf » après que Benjamin Lee Whorf (1897-1941) l'eut généralisée à partir de son « principe de relativité linguistique ». Chaque langue constituerait un système (ou une structure) sur les plans phonologique et morpho-lexical, mais aussi en tant que représentation exhaustive et cohérente du monde. Autrement dit, il n'y aurait d'autre accès au monde pour les locuteurs que les formes de représentation à quoi leurs langues leur donnent accès. Sapir mourut avant de pouvoir mettre le point final à The Psychology of Culture, qui l'occupa les dernières années de sa vie. Publié en 1968, le recueil Linguistique rassemble des articles extraits de Selected Writings in Language, Culture and Personality (1949). Après Language, dont une traduction parut en 1953, cet ouvrage permit de mieux faire connaître l'œuvre de Sapir en France.

Le monde des formes linguistiques

« Le fait le plus remarquable qui nous frappe lorsque nous abordons une langue quelconque est le caractère achevé de sa forme. [...] Par « caractère formel achevé », je désigne une particularité de la plus grande importance qui est souvent négligée : toute langue possède un système phonétique bien défini et exclusif grâce auquel elle fonctionne et, bien plus, toutes ses expressions, depuis les plus courantes jusqu'à celles qui se trouvent seulement à l'état latent, sont intégrées dans un réseau très subtil de formes toutes prêtes, réseau dont on ne peut s'évader. Ces formes créent un sentiment ou une attitude relationnelle bien déterminée envers tous les contenus possibles d'expression et, par cet intermédiaire, envers tous les contenus de l'expérience, dans la mesure où naturellement l'expérience se prête à l'expression linguistique. »

À partir de ce texte, une théorie s'esquisse dont le raisonnement s'articule comme suit : la langue (il en irait de même pour la culture) est forme, et non matière ; à ce titre, elle ne dépend d'aucune substance à quoi elle emprunterait ses propriétés. La dimension sonore même y est seconde par rapport à « la réalité psychologique des phonèmes », pour reprendre le titre d'un article de Sapir paru en français en 1933. Par ailleurs, ces formes n'ont d'existence que dans la mesure où elles sont organisées en « réseau », et constituent un système : elles ne prennent leur signification qu'en relation les unes avec les autres.

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