LINGUISTIQUE Le langage au carrefour des disciplines
Le langage, phénomène social
Faculté propre à l'espèce humaine, le langage est aussi un phénomène social. À ce titre, les pratiques langagières, dans leur diversité, intéressent un ensemble de disciplines et de sous-disciplines, qui les abordent au tout premier chef dans une perspective sociologique, mais aussi d'un point de vue géographique, historique, anthropologique ou ethnologique.
La sociolinguistique
L'essor de la linguistique, impulsé par Saussure au début du xxe siècle, repose en grande partie sur le rejet de la variabilité de la parole, au profit du seul système de la langue, postulée stable et commune à tous les utilisateurs. Pourtant, la question des liens entre langue et société n'a cessé d'être posée, tant par les sociologues (P. Bourdieu) que par les linguistes (dans la lignée antisaussurienne instaurée par A. Meillet). On distingue parfois deux types d'approches, qualifiées respectivement de « sociologie du langage » et de « sociolinguistique ». La première serait une branche de la sociologie qui interrogerait les pratiques langagières à partir d'une étude de la société, cependant que la seconde (apparue dans la seconde moitié du xxe siècle) serait une branche de la linguistique qui, à l'inverse, partirait de l'étude de la langue et de ses variations pour rechercher des corrélations avec certaines variables sociales. Dans les faits cependant, la distinction est beaucoup moins tranchée : l'une et l'autre approches se fondent sur une méthodologie d'enquêtes sur le terrain et partagent un certain nombre de problématiques communes.
La problématique centrale de la sociolinguistique est celle des variations internes dans l'usage d'une même langue. Selon les situations (âge, sexe, niveau social de l'émetteur, type d'échange et de récepteur, etc.), les locuteurs diversifient en effet leurs productions langagières. Ces variations, qui touchent aussi bien la prononciation que la construction syntaxique des phrases, le choix des mots ou l'organisation du discours, sont au cœur des préoccupations du courant dit « variationniste » (W. Labov). Les études réalisées dans cette perspective visent à caractériser des variétés de langue et des styles de production langagière ; elles se situent tantôt sur le plan de la macro-sociolinguistique (études portant sur des groupes ou des communautés larges), tantôt sur celui de la micro-sociolinguistique (études portant sur des individus ou de petits groupes, par exemple une famille). On distingue les variations « diastratiques », qui concernent la diversité des façons de parler dans une communauté selon les caractéristiques démographiques ou sociales des locuteurs, et les variations « diaphasiques », qui tiennent à la capacité d'un même locuteur à moduler sa façon de parler en fonction de différents interlocuteurs et activités.
Il existe également un ensemble de recherches qui, au confluent de courants sociologiques (ethnométhodologie et interactionnisme) et linguistiques (théorie pragmatique des actes de langage), s'intéressent au langage comme activité sociale, et plus particulièrement aux interactions communicatives (C. Kerbrat-Orecchioni) : les études portent sur l'exercice de la parole dans des situations diverses (par exemple, analyses de conversations, avec prises et tours de parole, etc.) ; elles montrent que, par-delà la connaissance des règles de la langue, les locuteurs possèdent également des connaissances – dites « compétences communicatives » – sur les règles du jeu de langage que constitue l'échange langagier (règles de politesse, maîtrise des hiérarchies établies, souci de ne pas perdre ni faire perdre la face, etc.).
Par ailleurs, les variations dans les productions langagières sont diversement vécues par les sujets qui les produisent[...]
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Écrit par
- Catherine FUCHS : directrice de recherche émérite au CNRS
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Médias
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