LINGUISTIQUE Théories
Les structuralistes
Le structuralisme linguistique ne constitue pas une école unique se référant à une doctrine précise ; il s'agit bien plutôt d'un ensemble de courants, voire d'individus, qui ont développé des théories diverses fondées sur certains principes généraux communs. Le nom même de « structuralisme » indique que la langue est conçue comme une structure, c'est-à-dire comme un ensemble d'unités structurées par des réseaux de relations : la parenté avec l'approche saussurienne est claire (bien que le terme même de « structure » soit absent chez Saussure, qui ne parle que de « système »). D'où une commune attention portée à la forme et un même effort pour décrire la langue comme une pure combinatoire d'éléments.
Entre les années 1920 et les années 1960, le structuralisme linguistique se développe de façon indépendante en Europe d'une part, aux États-Unis d'autre part. L'Europe voit se constituer à Prague le cercle linguistique autour de Nikolaï Troubetzkoy (1890-1938) et de Roman Jakobson (1896-1982), à Copenhague la « glossématique » de Louis Hjelmslev (1899-1965), et à Paris le « fonctionnalisme » d'André Martinet (1908-1999) ainsi que la « psychomécanique » de Gustave Guillaume (1889-1960). Aux États-Unis, outre des travaux d'inspiration ethnolinguistique et comparatifs, avec Edward Sapir (1884-1939), Benjamin Whorf (1897-1941) et Joseph Greenberg, (1915-2001), le structuralisme est marqué par le « distributionnalisme » de Leonard Bloomfield (1887-1948), Charles Hockett (1916-2000) et Zellig Harris (1909-1992).
Louis Hjelmslev et la glossématique
Assez mal connue, car très formelle et difficile d'accès, la glossématique de Hjelmslev est une théorie générale qui prolonge la réflexion saussurienne en la complexifiant : elle propose une organisation d'ensemble où le contenu et l'expression ont chacun une forme et une substance ; l'unité d'analyse de la forme du contenu est le plérème, celle de la forme de l'expression, le cénème.
André Martinet et le fonctionnalisme
Connu pour sa contribution au domaine de la phonologie diachronique ainsi que pour son enseignement à la Sorbonne et ses travaux en linguistique générale, Martinet a développé le courant fonctionnaliste, où l'accent est mis sur la fonction de communication du langage. Ce courant analyse la langue en termes de choix opérés par le locuteur : choix entre les différents phonèmes (unités distinctives dites « de deuxième articulation ») au plan phonologique, et choix entre les différents monèmes (unités significatives dites « de première articulation ») au plan syntaxique.
Gustave Guillaume et la psychomécanique
L'attention portée au caractère dynamique de la langue est également caractéristique de la démarche de Guillaume, fondateur du courant de la psychomécanique (ou psychosystématique) du langage, qui s'attache à décrire les opérations de pensée constitutives des signifiés de la langue. L'originalité de cette approche consiste à articuler le langage et la pensée en postulant que le langage permet à la pensée de se penser elle-même : dans le flux continu de la pensée, la langue est réputée découper certains cinétismes (comme le mouvement de l'universel au particulier) et, sur ces cinétismes, le discours opérer à son tour des coupes en un point donné, conférant ainsi un sens particulier au signe représentatif de chaque cinétisme. Dans l'activité de langage, tout se joue donc lors du passage de la langue au discours, c'est-à-dire d'un mouvement de pensée continu à une expression nécessairement discontinue. Après la mort de Guillaume (personnalité inclassable, restée en marge des courants institutionnalisés), la psychomécanique est tombée dans un relatif oubli pendant des décennies avant qu’un relatif regain d’intérêt se fasse jour dans le sillage des[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Catherine FUCHS : directrice de recherche émérite au CNRS
Classification
Média
Autres références
-
AFFIXE, linguistique
- Écrit par Robert SCTRICK
- 382 mots
Lors de l'inventaire des morphèmes d'un système linguistique, on est conduit à distinguer plusieurs sortes d'unités identifiables dans l'ordre phonétique et partageant la caractéristique de se rapporter au plan de la signification : parmi ces unités, les unes ont un contenu...
-
ALLÉGORIE, notion d'
- Écrit par François TRÉMOLIÈRES
- 1 454 mots
Cette dernière lui préfère néanmoins les termes métaphore, que nous rencontrions pour commencer, et image. La linguistique et la théorie de la littérature, héritières dans une certaine mesure du romantisme, ont renouvelé l'intérêt pour ce que Tzvetan Todorov appelle « la décision d'interpréter... -
AMBIGUÏTÉ, linguistique
- Écrit par Pierre LE GOFFIC
- 685 mots
Un mot ou un énoncé sont dits ambigus quand ils sont susceptibles d'avoir plusieurs interprétations. Cette définition intuitive étant très large, on s'efforce en linguistique de la préciser en circonscrivant, parmi tous les malentendus, équivoques et autres imprécisions du langage,...
-
ANALYSE & SÉMIOLOGIE MUSICALES
- Écrit par Jean-Jacques NATTIEZ
- 5 124 mots
- 1 média
À l'époque du structuralisme triomphant, la sémiologie musicale rencontre les modèles d'analyse linguistique pour des raisons à la fois épistémologiques et esthétiques. - Afficher les 135 références