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LINGUISTIQUE Théories

Les approches intégrées

Par contraste avec les démarches précédentes, qui partent de formalismes logiques existants pour aller ensuite vers la langue, diverses théories sémantiques ont été élaborées, notamment en Europe, à partir d'observations linguistiques – leurs auteurs s'efforçant ensuite de trouver des logiques susceptibles de les modéliser. Citons, par exemple, la « théorie des univers de croyance » du linguiste français Robert Martin, qui vise à élaborer une logique spécifique de la langue reposant sur l’idée que, contrairement à un système formel, la langue n'est pas entièrement « décidable » (elle comporte des phrases inintelligibles, absurdes ou disconvenantes), et qu'elle n'est pas non plus complètement consistante (l'ensemble des propositions qu'un locuteur tient pour vraies varie avec le temps). Citons également la « logique naturelle » du logicien suisse Jean-Blaise Grize (1922-2013), qui cherche à élaborer une logique spécifique du discours : sensible aux différences constitutives entre le langage et la logique mathématique, cette théorie entend modéliser les stratégies argumentatives et les opérations logico-discursives grâce auxquelles les interlocuteurs construisent et reconstruisent diverses schématisations, donnant ainsi à voir un micro-univers à travers certaines images.

Par ailleurs, se démarquant des grammaires formelles aussi bien que des courants structuralistes, un certain nombre de théories ont été élaborées, qui partagent le souci de proposer une approche intégrée de la langue, c'est-à-dire de ne pas séparer radicalement la syntaxe de la sémantique, ni même, pour certaines, de la pragmatique. Les plus représentatives de ces théories sont les « grammaires cognitives », les théories de l'énonciation et enfin les théories du discours et les grammaires de textes.

Les grammaires cognitives

Les théories d'inspiration cognitive, nées pour la plupart aux États-Unis dans les années 1980, se démarquent de la conception chomskienne du langage, notamment d'un strict modularisme. Ainsi, en 1983, Ray Jackendoff avance l'idée qu'il existerait un niveau unique de représentation mentale, appelée « structure conceptuelle », où les informations linguistiques, sensorielles (en particulier visuelles et auditives) et motrices seraient mutuellement compatibles. De son côté, s'opposant explicitement aux approches logiques, Gilles Fauconnier propose en 1984 une « théorie des espaces mentaux », entendus comme des configurations cognitives, que les expressions de la langue permettent de construire et de modifier au fil du discours. Puis, en 1987, l’expression « grammaire cognitive » apparaît sous la plume de Ronald Langacker pour indiquer que la grammaire elle-même est intrinsèquement symbolique, et donc signifiante : la sémantique ne peut ainsi pas être séparée de la syntaxe. Langacker propose de représenter le sens des phrases sous forme de schémas mettant en œuvre des relations topologiques et cinématiques entre des éléments qui participent, les uns d'une « figure », et les autres d'un « fond » (notions empruntées à la théorie psychologique dite « de la Gestalt », selon laquelle la perception et la représentation mentale traiteraient les phénomènes comme des formes globales et non comme des additions d’éléments). Concevant également la langue comme constructrice d'images mentales, Leonard Talmy développe en 2000 une approche configurationnelle dynamique où chaque énoncé est représenté comme mettant en scène un système de « forces » opposées. De son côté, George Lakoff s'attache, dès la fin des années 1980, à décrire les analogies de fonctionnement des métaphores dans les langues et à représenter les espaces sémantiques associés aux expressions polysémiques. Tous ces auteurs partagent la conviction[...]

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Noam Chomsky - crédits : Ulf Andersen/ Hulton Archive/ Getty Images

Noam Chomsky

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