GROULX LIONEL (1878-1967)
Il arrive rarement qu'une nation découvre dans l'un de ses fils les traits essentiels de sa propre vocation. En tout cas, Lionel Groulx sut, pendant environ un demi-siècle, tirer de l'histoire des enseignements qui ont orienté le destin canadien-français. S'il n'a pas créé autour de ses conceptions nationales une impossible unanimité, il fut incontestablement à la source, chez ses compatriotes, d'un renouveau de la pensée et de l'action, et c'est dans son apport que les générations qui l'ont suivi ont puisé les éléments principaux de leur engagement intellectuel et moral.
Un historien engagé
Né à Vaudreuil (chef-lieu du comté du même nom dans le Québec), d'une famille de paysans, Lionel Groulx est ordonné prêtre en 1903. Un séjour de quelques années à Rome, à Fribourg-en-Brisgau et à Paris le dote d'une formation en profondeur. De retour au Canada, il s'adonne à l'enseignement secondaire et fait preuve d'un intérêt passionné pour l'histoire nationale. C'est en 1915 qu'il inaugure, à l'Université de Montréal, une chaire d'histoire canadienne, point de départ d'une moisson abondante, aussi bien par les disciples qu'il a formés que par les œuvres qu'il a publiées. Parmi ces dernières, on relève les recueils de ses leçons magistrales : Nos luttes constitutionnelles, La Confédération, La Naissance d'une race, Lendemains de conquête, Vers l'émancipation. Par la suite s'ajouteront des ouvrages de plus vaste envergure, comme L'Enseignement français au Canada, et surtout une Histoire du Canada qui continue de faire autorité.
Parallèlement à cette vie studieuse, Lionel Groulx, animé d'un tempérament d'apôtre, se lance dans l'action ; il participe à la Ligue des droits du français et fonde une revue de combat, L'Action nationale. Cette double forme d'activité a pu jeter quelque confusion dans certains esprits. D'aucuns ont tenu rigueur à l'historien d'intervenir dans des questions de brûlante actualité, de prendre parti. Il est évident que les travaux qui résultent de ces courageuses options, qu'il s'agisse de Directives ou d'Orientations, sont nettement engagés dans l'immédiat et ne prétendent pas à la sérénité de l'histoire.
Atteint par la limite d'âge qui l'éloigne de l'enseignement universitaire, Groulx, devenu chanoine entre-temps, ne se résout pas à une retraite passive. Pendant les vingt dernières années de sa vie, il est l'âme de l'Institut d'histoire de l'Amérique française, qui publie une revue trimestrielle autour de laquelle Groulx a su grouper un nombre considérable de chercheurs.
Le chanoine Groulx ne cherche pas à passionner, à des fins utilitaires, un inéluctable débat ; en revanche, il juge pusillanime de masquer pudiquement les faits avérés, sous le prétexte que la vérité serait blessante. Il lui apparaît toutefois insuffisant de raconter les faits passés pour n'en souligner que la saveur ou le pittoresque. « L'histoire, écrit-il en 1937, n'est ni une science spéculative ni une discipline de dilettante. Essentiellement dynamique, elle ne saurait se passer d'inspirer, sinon de formuler, des disciplines d'action. » À cette mission fructueuse, il ne s'est jamais dérobé, ce qui a parfois entraîné quelque équivoque chez ceux qui refusent de distinguer le chef de file de l'historien respectueux des événements.
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Écrit par
- Roger DUHAMEL : membre de l'Académie canadienne-française
Classification
Autres références
-
CANADA - Arts et culture
- Écrit par Andrée DESAUTELS , Roger DUHAMEL , Marta DVORAK , Encyclopædia Universalis , Juliette GARRIGUES , Constance NAUBERT-RISER et Philip STRATFORD
- 24 894 mots
- 3 médias
De l'œuvre considérable de Lionel Groulx (1878-1967), il restera L'Enseignement français au Canada, lumineux exposé d'une lente montée vers la culture, et, plus sûrement encore, les quatre volumes de l'Histoire du Canada, synthèse de ses recherches où l'érudition se présente sereine...