RAY LIONEL (1935- )
Aragon salua comme un « événement poétique considérable » la venue de Lionel Ray (de son vrai nom Robert Lorho, né en 1935 à Mantes-la-Ville) dans la poésie française des années 1970. De 1971, avec Les Métamorphoses du biographe, à 1996, avec Syllabes de sable, Lionel Ray a donné une dizaine de recueils de poèmes – L'Interdit est mon opéra, 1973 ; Partout ici même, 1978 ; Le Corps obscur, 1981 (prix Mallarmé) ; Nuages, nuit, 1983 ; Le Nom perdu, 1987 ; Une sorte de ciel, 1990 (prix Artaud) ; Pages d'ombres, 2000 ; Matière de nuit, 2004 – qui témoignent d'un art très élaboré du vers et de la composition. Si « mutation et métamorphoses » sont les termes élus par Lionel Ray, ils peuvent aussi servir à approcher un travail qui, à l'écart des théories, a cherché à éviter les retours nostalgiques à l'académisme comme la fuite en avant dans le formalisme. Le lyrisme qui caractérise son œuvre est tout sauf facile : les élans spontanés de la subjectivité sont ici constamment brimés par un travail sur la matière même du langage. Le sujet qui parle ou qui chante n'oublie jamais qu'il parle de quelque chose, du concret du monde, et que ce qu'il dit s'adresse toujours à quelqu'un, ce destinataire inconnu, anonyme qu'est le lecteur. Les mots simples, les syntaxes accordées au rythme de la prosodie laissent transparaître le sens, le font jaillir dans des coulées heureuses, non exemptes d'inquiétudes. Comme un château défait, (1993, prix Supervielle en 1994) et Syllabes de sable (1996) disent avec pudeur l'irréparable, l'ineffable perte » : « Ce désarroi des pas d'avant / sur des chemins jamais aboutis : / maison des vents, maison d'absence... » C'est de l'intérieur même du chant que se disent les ruptures (Entre nuit et soleil, 2010). Ce n'est certainement pas un hasard si, en 1976, Lionel Ray a consacré un essai à Rimbaud : la poésie, à défaut de « rythmer l'action » ou de la devancer, accompagne les hommes, intensifie leur séjour, refuse tricheries et stratagèmes. Lionel Ray se sent proche d'auteurs comme Supervielle, C. Milosz, Aragon, mais aussi Michaux, auquel il a consacré un Tombeau (dans Une sorte de ciel). Il a publié également deux anthologies de poésie bengalie (2006 et 2007, en collaboration avec Sumana Sinha).
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Écrit par
- Francis WYBRANDS : professeur de philosophie
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