LIQUIDITÉ MONÉTAIRE
Chaque agent économique possède un bilan. Le passif recense les diverses sources de financement des emplois énumérés à l'actif qui seul importe pour cette étude. En effet, la notion de préférence pour la liquidité est indissociable de celle de structure des emplois des ressources, c'est-à-dire de la structure de l'actif.
De ce dernier, un classement tripartite peut être proposé. Il y a d'abord les actifs réels : ce sont tous les biens et services qui peuvent faire l'objet d'une appropriation privative ou collective opposable à tous. Ensuite, il y a les actifs financiers : ce sont toutes les créances qu'un agent économique peut détenir sur un autre (effet de commerce, obligations, dépôts sur livrets de caisse d'épargne, etc.). Enfin, il y a les actifs monétaires que l'on ne peut pas, en régime d'étalon-or, assimiler aux actifs réels quoique l'or soit un bien, pas plus qu'en régime de monnaie fiduciaire (scripturale et papier) on ne peut les assimiler aux actifs financiers quoiqu'un billet ou un dépôt à vue sur un compte courant (ou de chèque) bancaire représente une créance sur une banque. La raison en est que leur rôle de mesure des valeurs et d'inter-médiaires des échanges leur attribue une valeur propre qui les dissocie des deux catégories précédentes. Ainsi, l'agent économique possède des actifs réels, des actifs financiers et des actifs monétaires.
Le problème de l'agent est de répartir idéalement ces trois types d'emplois, de donner à son actif global une structure optimale. Cette théorie des choix des emplois de l'actif (en anglais, portfolio selection) est de création récente ; elle date de la fin des années cinquante. Cependant, elle a d'abord été précédée par une analyse de John Maynard Keynes qui, fondée sur le concept de préférence pour la liquidité, constituait une excellente approche du problème, mais le restreignait en n'accordant l'attribut de liquide qu'à la seule monnaie.
La monnaie est, certes, l'actif le plus liquide qui soit. Il est convertible instantanément en tout autre actif, sans coût, sans changer de formes. Le détenteur d'une encaisse monétaire a un pouvoir de choix qui doit être considéré en lui-même comme un bien économique pouvant faire l'objet d'un marché et avoir un prix.
Mais n'y a-t-il pas d'autres actifs qui, à défaut d'être convertibles, sans changer de formes, en biens ou créances, le sont instantanément et sans coût en monnaie ? Ne posséderaient-ils pas alors une nature quasi monétaire qui en ferait des substituts de la monnaie dans une rubrique commune de l'actif des agents que l'on pourrait appeler avoirs liquides, rubrique qui regrouperait aussi bien les dépôts monétaires émis par les banques que les dépôts d'épargne liquide collectés par les intermédiaires financiers non bancaires ?
Au niveau du patrimoine individuel, il ne fait pas de doute que la thésaurisation monétaire et le placement sur des livrets d'épargne sont des formes d'emplois de l'actif aussi liquides l'une que l'autre. Aussi le ratio de liquidité de cet actif peut être définie comme le pourcentage d'actifs monétaires et quasi monétaires qu'il contient.
Mais en va-t-il de même au niveau de la collectivité ? Il ne le semble pas. En effet, si chaque individu peut réduire son encaisse monétaire, la collectivité est condamnée à détenir la masse monétaire existante. Il n'est donc pas question de substituer monnaie et quasi-monnaie. La seule façon dont on peut apprécier les désirs de liquidité de l'économie est d'envisager la part de la monnaie qui correspond à de la monnaie active destinée aux transactions (actifs monétaires de paiement) ou celle qui correspond à de la monnaie thésaurisée (actifs monétaires de placement). La meilleure mesure[...]
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Écrit par
- André CHAÎNEAU : professeur à la faculté des sciences économiques de l'université de Poitiers
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