LITHOGRAPHIE ROMANTIQUE
À la différence des procédés de gravure dits « en creux » (pour le métal) et « en relief » (pour le bois), la lithographie est un procédé « à plat ». Le dessin est tracé à l'encre grasse sur la pierre lithographique, un fin calcaire bavarois, très poreux, laquelle est ensuite humidifiée et enduite d'encre d'imprimerie : l'encre ne se dépose alors que sur les surfaces dessinées, car elle est repoussée par les surfaces humides, conformément au principe chimique de la répulsion de l'eau et des corps gras. Tirée à l'aide d'une presse spéciale, l'épreuve, bien qu'inversée, semble être le dessin même et confère à la gravure multiple l'aspect d'un original. Cette extrême simplicité technique alliée à la fidélité de reproduction devait déterminer le succès de la lithographie auprès des artistes romantiques et sa diffusion commerciale sous la monarchie de Juillet et le second Empire.
Du point de vue de l'histoire des formes, la lithographie favorisa l'invention de la vignette, dont l'aspect dynamique et tourbillonnant, non cadré, se prête aux projections de l'imaginaire. Le grain de la pierre lithographique conférait aux planches une intensité contrastée, une teinte veloutée qui adaptaient la gravure en noir et blanc au style coloré du romantisme.
Inventée en 1796 à Munich par Aloys Senefelder, un compositeur qui cherchait à diminuer les coûts de l'édition musicale, la lithographie connut rapidement d'autres applications, telles que l'édition cartographique. Introduite en Alsace par l'éditeur de musique Anton André en 1800, elle devint rapidement un procédé d'estampe à la mode, dont la valeur artistique fut reconnue. Dès 1808, Senefelder l'avait appliquée à la reproduction des œuvres d'art, domaine réservé jusque-là de la gravure au burin. Une structure de production et de diffusion fut rapidement mise en place par les éditeurs marchands d'estampes, à la suite des pionniers que furent Engelmann, imprimeur de Mulhouse bientôt installé à Paris, en 1816, et Lasteyrie, à Paris en 1815. Cette expansion rapide fut favorisée par l'intérêt, et les encouragements officiels, dont bénéficia la lithographie sous l'Empire et la Restauration : informé de l'invention par un aide de camp de l'empereur, le général Lejeune, Napoléon avait envoyé à Munich auprès de Senefelder une commission présidée par le directeur des musées de France, Vivant Denon ; enfin, la lithographie fut introduite au Salon dès 1818. Girodet, Gros, Lami, Prudhon, Boilly ont pratiqué la lithographie, comme Goya, Géricault et Bonington.
Malgré cette reconnaissance institutionnelle, la lithographie resta pour les artistes, dans la période romantique, une alternative alimentaire et commerciale à la carrière de peintre, plus noble mais plus étroite, à laquelle tous aspiraient. Le marché de l'estampe permit à la lithographie toute une gamme de diffusion, depuis la feuille séparée ou l'image souvent coloriée et vendue à la pièce, jusqu'à la série, qui pouvait être reliée en album, forme de livre « sans texte » posé sur un guéridon dans un coin de salon et destiné à être feuilleté au cours des soirées mondaines. Simultanément, l'essor de l'édition, lié à l'alphabétisation de masse, apportait d'autres débouchés encore à la lithographie dite « avec texte » sur les registres du dépôt légal : elle accompagnait les titres de chansons, les livraisons de journaux ou les livres illustrés de luxe, comme les « voyages pittoresques » de Taylor et Nodier à partir de 1820. L'affiche illustrée est aussi née de la lithographie qui permet la reproduction de l'image en grand format : la toute première de ces affiches est sans doute celle de Devéria pour une édition du [...]
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Écrit par
- Ségolène LE MEN : professeur des universités, membre de l'I.U.F., professeur d'histoire de l'art contemporain à l'université de Paris-ouest Nanterre-La Défense
Classification
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1820 Début de la publication...