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ASSYRO-BABYLONIENNE LITTÉRATURE

La littérature historique

De tous les genres historiques qu'ont cultivés les Anciens, celui qui se rapproche le plus de la conception moderne de l'histoire est le genre des chroniques. Impersonnelles et rédigées avec plus ou moins de recul, elles n'apparaissent que tardivement sous leur forme définitive. La tradition dont elles sont issues se contenta d'abord d'enregistrer de brefs récits anecdotiques, sans suite et sans unité. Elle prit, pour un temps, la forme d'une histoire synchronique, relatant, en résumés clairs, précis et datés, les principaux événements survenus parallèlement en Babylonie, en Assyrie et en Élam. Le genre s'épanouit enfin dans les grandes chroniques de la dynastie néo-babylonienne, où l'on trouve une relation détaillée des faits qui aboutirent à la ruine de l'Assyrie et à la conquête de Babylone par les Perses.

La tradition des chroniques est essentiellement babylonienne. Dans la littérature assyrienne, qui trouva là sans doute son terrain d'élection, la veine historique est d'ordinaire de tout autre nature.

Laissons à part le genre des stèles imaginaires, illustré notamment par les légendes de Sargon et de Narâm-Sin : en immortalisant les triomphes et les tribulations de grandes figures du passé, ces stèles prétendaient tirer les leçons de l'histoire. Laissons aussi de côté le cas particulier du grand poème historique qui exalte, sur un mode épique, la victoire du roi Toukoulti-Ninourta sur son rival babylonien. C'est dans les annales, ou dans des récits plus ou moins analogues, que les scribes assyriens commémoraient les œuvres pies et les hauts faits de leur souverain.

Les plus anciennes de ces inscriptions se réfèrent à l'activité constructrice du roi. Les allusions aux événements militaires n'interviendront qu'ultérieurement dans ces textes et de façon incidente. Mais, par la suite, elles ne cesseront d'y prendre de l'ampleur et finiront par constituer l'essentiel du récit. On aboutit de la sorte aux grands textes historiques du temps des Sargonides (721-612), telle cette édition, de 636, des Annales d'Assourbanipal qui, sur les 1 300 lignes de son texte, n'en consacre guère plus d'une soixantaine à décrire des travaux de restauration, tout le reste étant réservé au récit des campagnes.

C'est vraisemblablement à l'influence hittite, ou plus encore peut-être hourrite, que ce genre littéraire, d'abord modeste, dut son remarquable épanouissement. Mais le génie assyrien sut lui donner une résonance originale, dans la façon notamment dont sont traités quelques-uns de ses grands thèmes descriptifs.

À côté des annales, on rencontre aussi des histoires militaires, qui, pour être moins précisément datées, n'en suivent pas moins l'ordre chronologique, à l'encontre des fastes, qui groupent plutôt les événements d'après les contrées où ils se sont déroulés. Le genre historique culmine peut-être dans ces rapports à dieu, par lesquels il arrivait au roi de rendre solennellement compte à la divinité d'une campagne particulièrement importante. C'est à ce type de texte qu'appartient le célèbre récit de la Huitième Campagne de Sargon, dont certains passages descriptifs peuvent compter parmi les plus belles pages de la littérature assyrienne.

Il va de soi que ces grandes perspectives, mythes, sagesse et histoire, sont loin d'être les seules que l'on peut suivre pour explorer et connaître l'immense production des lettrés assyro-babyloniens. Elles nous en révèlent du moins les œuvres les plus marquantes et les plus justement célèbres.

— René LABAT

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  • : membre de l'Institut, professeur au Collège de France, directeur à l'École pratique des hautes études

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