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LITTÉRATURE FRANÇAISE DU XXe SIÈCLE

Théorie et littérature

Nathalie Sarraute - crédits : Louis Monier/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Nathalie Sarraute

Le nouveau roman est un bon exemple de l’alliance entre des pratiques novatrices et leur exposé théorique. Nathalie Sarraute explicite dans L’Ère du soupçon (1956) sa critique des formes traditionnelles quand Robbe-Grillet durcit en thèses les partis pris d’un groupe qu’il unifie dans Pour un nouveau roman (1963), notamment en décrétant que le personnage, l’histoire ou l’engagement sont des « notions périmées ». Philippe Sollers (1936-2023) radicalise cette aventure théorique entre 1960 et 1982 avec la revue Tel Quel. De façon plus générale, c’est tout le xxe siècle qui consacre le mariage inédit de la littérature et d’une réflexion nécessaire sur son statut, ses pouvoirs, ses conditions de possibilité.

Siècle de la poétique donc, qui voit tout grand écrivain proposer une sorte de généralisation de sa pratique et redéfinir son art. Ce que consacre la chaire de poétique du Collège de France occupée par Paul Valéry (1871-1945) de 1937 à 1945, puis par Yves Bonnefoy (1923-2016) de 1986 à 1997. Dans les deux cas, c’est une réflexion d’ampleur sur le « faire » de la littérature, ainsi qu’une histoire des formes modernes qui y sont enseignées, théorisées. Les volumes de Variétés de Valéry attestent de la richesse des analyses et d’un questionnement sans relâche sur les limites de la littérature. La publication du premier grand recueil de poésie de Bonnefoy, Du mouvement et de l’immobilité de Douve (1953), est suivie quelques années après par celle des essais inspirés qui forment L’Improbable (1959). Dans le champ de la poésie, au-delà même des manifestes en tous genres (surréalistes, lettristes, situationnistes), l’écriture se double obligatoirement d’une méditation sur sa nature profonde et son matériau, comme le montrent les essais de Paul Claudel, ou ce que Ponge appelle « mycreativemethod ». Le philosophe Jacques Derrida (1930-2004), qui livre d’éblouissantes lectures d’Artaud, Mallarmé ou Baudelaire, donne rapidement au Livre des questions (1963-1973) d’Edmond Jabès (1912-1991) une résonance qui s’imprime fortement sur le reste de l’œuvre du poète franco-égyptien. Toute l’œuvre de Michel Deguy (1930-2022) atteste aussi ce croisement fécond entre poème et théorie, dans une réflexion qui tente de repenser la place de la littérature au moment où elle se dilue dans le marché de la culture.

Sans tenir compte des très riches correspondances que nous laissent bien des écrivains où on trouvera quantité de jugements sur les œuvres de leurs contemporains, sur leurs lectures ou sur les textes qu’ils sont en train d’écrire, ni des journaux comme celui d’André Gide qui ouvre sur le laboratoire de l’œuvre, le grand écrivain du xxe siècle est celui qui se montre conscient de la révolution formelle qu’il introduit dans les lettres. Une forme de spécularité devient nécessaire quand écrire, c’est aussi savoir pourquoi écrire, en une spirale parfois paralysante. Proust prépare ce qui va devenir À la recherche du temps perdu dans la pratique du pastiche et les réflexions sur le moi profond qu’on trouve dans Contre Sainte-Beuve(posth., 1954). Il fusionne dans son roman-fleuve la théorie de l’art et de l’écriture avec le récit de la vocation de son narrateur. D’une manière proche, Gide incorpore à son seul véritable roman, Les Faux-Monnayeurs (1925), le journal d’Édouard, personnage d’écrivain, et double ce roman déjà réflexif d’un Journal des Faux-Monnayeurs où il propose une théorie de la mise en abyme qui inspirera les écrivains du nouveau roman.

Des années 1920 aux années 1970, on voit se développer une véritable passion pour savoir ce qu’est la littérature, pour essayer d’en cerner les contours, entre manifeste, essai personnel, commentaire critique, méditation. Autour des années 1940, Jean Paulhan (1884-1968), l’influent[...]

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Marcel Proust, J.-É. Blanche - crédits : Charles Ciccione/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Marcel Proust, J.-É. Blanche

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