FRANÇAISE LITTÉRATURE, XIXe s.
Une chronologie complexe
La question de la chronologie s’avère particulièrement délicate pour le xixe siècle, premier siècle à se nommer et à se considérer comme une unité : Études de mœurs au XIXe siècle (Honoré de Balzac, 1833) ou La Confession d’un enfant du siècle (Alfred de Musset, 1836). Faut-il le contenir entre 1800 et 1900 ou, par exemple, entre le Génie du christianisme de François-René de Chateaubriand paru en 1802 et le « J’accuse » d’Émile Zola publié le 13 janvier 1898 dans L’Aurore, pendant l’affaire Dreyfus ? N’est-il pas plus logique de le faire commencer à la Révolution et courir jusqu’à la Première Guerre mondiale ? Victor Hugo a bien écrit dans son William Shakespeare en 1864 : « La Révolution, toute la Révolution, voilà la source de la littérature du xixe siècle. » De manière provocatrice, on pourrait aussi avancer que le xixe siècle n’est pas achevé tant ses paradigmes, aussi bien du côté de la modernité que de la littérature médiatique, continuent de nous habiter.
Pour avoir une vision juste de la chronologie de la littérature du xixe siècle, il faut lier l’histoire politique, sociale et culturelle et les mutations proprement littéraires (mouvements, écoles, évolution des genres). Dans un siècle où les hommes de lettres se sont impliqués dans la chose publique au point que le poète Alphonse de Lamartine (1790-1869) devint en 1848 chef effectif du gouvernement provisoire, l’histoire de la littérature ne peut manquer d’être étroitement rattachée à celle des événements politiques dont le siècle fut témoin. Il connaît deux empires, deux monarchies et deux républiques. La génération du premier Empire (Germaine de Staël, Benjamin Constant, Chateaubriand) ne dissocie pas activité politique et activité littéraire, voit dans l’affirmation politique l’instrument d’une réalisation de soi et accorde une place importante à la question de la liberté. Sous la Restauration (1814-1830), la recherche esthétique écrase quelque peu les différences idéologiques. Le caractère second de la politique est manifeste dans le clivage qui oppose les romantiques « ultra » (Émile Deschamps, Alfred de Vigny, Victor Hugo) et les romantiques libéraux (Stendhal, Ludovic Vitet). La monarchie de Juillet (1830-1848), marquée globalement par la désillusion et le désenchantement, voit, à côté d’une jeunesse qui renonce à s’accomplir dans la politique et qui prône l’art pour l’art (Théodore de Banville), l’ouverture des écrivains de la génération de Hugo à un romantisme social sensible aux théories socialistes.
En février 1848, écrivains et artistes participent directement à la révolution et à la création de la IIe République (Eugène Sue, Victor Hugo, Edgar Quinet sont élus députés). Incontestablement, la répression de juin 1848 et surtout la proclamation du second Empire (1852-1870) marquent une nette rupture pour les écrivains, sensible par exemple dans le retrait de George Sand de la politique. « Le temps des prophètes », pour reprendre le titre de l’essai de l’historien de la littérature Paul Bénichou, est terminé, du moins sur le territoire national. Victor Hugo choisit l’exil et publie Les Châtiments, vigoureux pamphlet satirique contre Napoléon III. Eugène Scribe, Eugène Labiche, Alexandre Dumas fils, Prosper Mérimée deviennent, quant à eux, bonapartistes. Une autre possibilité est la résistance sous le masque de l’ironie. Le second Empire, régime autoritaire, censure la presse et surveille les écrivains, ce qui entraînera la production d’une littérature oblique, opaque, à la violence retenue, caractéristique d’un Charles Baudelaire (1821-1867) et d’un Gustave Flaubert (1821-1880), d’ailleurs tous deux mis en cause par la justice dans des procès retentissants pour Les Fleurs du mal (1857) et Madame Bovary (1857).
Après 1870, une [...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Marie-Ève THÉRENTY : professeure des universités, université Paul-Valéry Montpellier 3, membre senior de l'Institut universitaire de France
Classification
Médias
Autres références
-
CONSCIENCE (notions de base)
- Écrit par Philippe GRANAROLO
- 2 719 mots
Lequel d’entre nous, enfant, traversant la rue sans regarder ou sautant du haut d’un arbre, n’a jamais été accusé d’être « inconscient » ? Nos parents ou nos éducateurs voulaient nous faire comprendre par là que nous étions aveugles au danger, que nous manquions de lucidité et de la plus élémentaire...
-
INCONSCIENT (notions de base)
- Écrit par Philippe GRANAROLO
- 3 276 mots
Sigmund Freud (1856-1939) a pesé d’un tel poids dans la formulation de la notion d’inconscient qu’il est trop souvent perçu comme celui qui l’aurait découvert, à la façon dont les « inventeurs » d’un trésor arrachent à sa cachette un coffre rempli d’or qui avait jusqu’alors échappé à tous les regards....
-
ÉMOTION (notions de base)
- Écrit par Philippe GRANAROLO
- 3 349 mots
Si « émotion » et « passion » sont souvent confondues, c’est qu’outre leur proximité sémantique ces termes présentent une analogie sur le plan de l’étymologie. « Émotion » vient du latinmovere qui signifie « ébranler », « mettre en mouvement », tandis que « passion » vient...
-
ÉDUCATION / INSTRUCTION, notion d'
- Écrit par Daniel HAMELINE
- 1 300 mots
On pourrait penser, dans un premier temps, que les rapports entre « éduquer » et « instruire » sont simples à établir. Si l'on se réfère à la définition qu' Emmanuel Kant donne de l'éducation, à la fin du xviiie siècle, l'instruction apparaît, à côté « des soins, de...
-
ÉDUCATION - Philosophie de l'éducation
- Écrit par Daniel HAMELINE
- 2 343 mots
- 1 média
Dans le dernier quart du xxe siècle, la pensée de l'éducation prend position en fonction d'une triple référence : l'histoire ancienne et moderne des rapports entre éducation et philosophie dans la culture occidentale ; la remise en question théorique et pratique de l'...
-
ROMAN D'ÉDUCATION ou ROMAN D'APPRENTISSAGE
- Écrit par Claude BURGELIN
- 1 484 mots
- 2 médias
L'ancienne épopée ou le roman de chevalerie racontaient par prédilection comment un héros prouvait à lui-même et au monde sa qualité de personnage héroïque ; c'étaient là les débuts du roman d'apprentissage ou d'éducation.
On a employé l'expression roman d'éducation...
-
SENSIBILITÉ, psychologie et philosophie
- Écrit par Michaël FOESSEL
- 1 034 mots
En raison du devenir et du changement qui le caractérisent, le sensible est traditionnellement opposé à la fixité et à la permanence de l'intelligible. Dans ces conditions, la sensibilité, comme propriété d'un sujet d'être modifié ou informé par le milieu sensible, peut être opposée...
-
SUBLIME, littérature
- Écrit par François TRÉMOLIÈRES
- 1 344 mots
« Sublime » est d'abord un terme technique, emprunté par la théorie littéraire à la rhétorique, décalque du latin sublimis, qui traduit le grec hupsos : « élevé », « en hauteur ». Il qualifie donc le « style élevé », celui de la grande éloquence, qui vise à provoquer...
-
SENTIMENT
- Écrit par Olivier REBOUL
- 3 561 mots
« Le cœur a ses raisons, que la raison ne connaît point ; on le sait en mille choses. » Ces mille choses sont ce que nous appelons nos sentiments. Et, comme l'exprime bien la phrase de Pascal, ceux-ci nous apparaissent à la fois comme irremplaçables et comme inexplicables. Irremplaçables, car le plus...
-
AUTOBIOGRAPHIE, notion d'
- Écrit par Alain BRUNN
- 1 441 mots
Auto-bio-graphie : écriture de sa propre vie, écriture par soi de sa vie. Le terme est double : au sens large, est autobiographique toute écriture intime ; au sens étroit, l'autobiographie, distincte des Mémoires, du journal intime ou de l'autoportrait, est un genre parmi d'autres de...
-
JOURNAL INTIME, notion de
- Écrit par Elsa MARPEAU
- 995 mots
Un journal intime est composé des notes qu'un narrateur prend quotidiennement (ou du moins régulièrement) sur lui-même, qu'il s'agisse de sa vie courante ou de sa vie intérieure. Il relève donc d'une écriture de l'intime.
Sans que l'on puisse parler de « journaux », Michel...
-
DANDYSME
- Écrit par Françoise COBLENCE
- 1 978 mots
- 5 médias
L'étymologie du terme « dandy » ouvre d'emblée un espace d'incertitude. L'Académie n'accueille qu'en 1878 ce néologisme venu d'Angleterre. Selon les Anglais, dandy pourrait dériver du français dandin (sot, niais), de dandiprat (nain, pièce de menue monnaie),...
-
ÉGOTISME
- Écrit par France CANH-GRUYER
- 320 mots
Retraduction datant des premières années du xixe siècle du mot anglais egotism par lequel Addison a traduit le mot français « égoïsme », mais qui n'a pas forcément le sens péjoratif que lui prête encore le Rivarol de 1827 d'« habitude blâmable de parler de soi ». Correspondant...
-
L'ÉTRANGE CAS DU DOCTEUR JEKYLL ET DE M. HYDE, Robert Louis Stevenson - Fiche de lecture
- Écrit par Marc PORÉE
- 902 mots
- 1 média
Souvent considéré comme le chef-d'œuvre de Robert Louis Stevenson (1850-1894), L'Étrange Cas du docteur Jekyll et de M. Hyde (1886) naît à la faveur d'un cauchemar inspiré par les « Brownies », ces mauvais génies de l'écrivain, alors qu'il séjourne, pour raisons de santé, dans le...
-
AINSI PARLAIT ZARATHOUSTRA, Friedrich Nietzsche - Fiche de lecture
- Écrit par Philippe GRANAROLO
- 1 270 mots
En août 1881, au bord du lac de Silvaplana, proche du village de Sils-Maria, dans l’actuel canton suisse des Grisons où il passait ses étés, Friedrich Nietzsche (1844-1900) eut une illumination : la « vision du Retour Éternel » (parfois dénommée « vision de Surléï »), qui le conduisit quelques...
-
À LA RECHERCHE DU TEMPS PERDU, Marcel Proust - Fiche de lecture
- Écrit par Pierre-Louis REY
- 1 184 mots
- 2 médias
Histoire d'une vocation littéraire, À la recherche du temps perdu fut ébauché en 1908 par Marcel Proust (1871-1922), concurremment à un essai dirigé contre la méthode critique de Sainte-Beuve, coupable aux yeux de l'écrivain d'avoir jugé ses contemporains d'après leur comportement en société,...
-
À REBOURS, Joris-Karl Huysmans - Fiche de lecture
- Écrit par Jean-Didier WAGNEUR
- 880 mots
Publié en 1884, À rebours est rapidement devenu un livre culte pour les générations de la décadence et du symbolisme. Pourtant, jusqu'alors, Joris-Karl Huysmans (1848-1907) appartient à la mouvance naturaliste. Il a collaboré aux Soirées de Médan (1880) et fait partie du petit groupe...
- Afficher les 49 références