FRANÇAISE LITTÉRATURE, XIXe s.
Le siècle romantique
On sera donc tenté de dire que tout est d’emblée dans le romantisme et qu’il faut lui accorder un traitement particulier en le considérant moins comme un mouvement littéraire que comme un élan donné au siècle. Baudelaire écrit dans son Salonde 1846 que, pour lui, « le romantisme est l’expression la plus récente, la plus actuelle du beau ». Le mouvement romantique se développe dans le sillage de la Révolution française dont l’un des acquis est la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. C’est le début de l’ère de l’individu et le succès d’un nouveau genre littéraire, le journal intime, qui correspond à une prise de conscience de l’intériorité. Mais le romantisme n’est pas uniquement le temps de la première personne, que ce soit le je ou le nous : il donne plus largement pour ambition à la littérature de rendre compte de la complexité du vrai, ce qu’elle ne peut faire qu’en fusionnant les contraires, le subjectif et l’universel, l’idéel et le matériel, le métaphysique et le physique, le divin et l’humain.
Cette recherche des vérités ultimes concerne notamment l’histoire qui apparaît comme l’une des grandes affaires du siècle. Au lendemain de la Révolution et du premier Empire, l’histoire romantique est le lieu même où l’idéal peut s’incarner. De nouvelles questions s’imposent autour du sens de l’histoire, de la légitimité du pouvoir, de la nature du lien social, du rapport entre l’individuel et le collectif, du sens de la violence, de la place à accorder au peuple. Dotés d’une véritable passion pour l’archive, les nouveaux historiens œuvrent à une sorte de réhabilitation du tiers état contre les grands hommes. Surtout l’histoire événementielle recule au profit de toute une série de déterminations sociologiques, politiques et économiques et de la description d’une foule de détails de mœurs. Chez Adolphe Thiers, Louis Blanc, plus tard Hippolyte Taine, l’accent est mis sur la description du milieu sociotemporel tandis que Jules Michelet (1798-1874) n’hésite pas à réaménager la matière historique autour de grandes figures symboliques (Jeanne d’Arc, Robespierre) ou d’entités allégoriques (la France, le Peuple, la Nation). La vogue des romans de Walter Scott dans les années 1820 a une influence à la fois sur les historiens comme Augustin Thierry, Prosper de Barante ou Jules Michelet qui inventent un nouveau mode de narration historique inspiré du roman, et sur les écrivains qui, outre des romans (Hugo, Vigny, évidemment Dumas), produisent aussi du théâtre (Musset, Alexandre Dumas), des scènes (Vitet, Mérimée) ou de la poésie (Hugo) historiques. Les ères antérieures se différencient. L’Antiquité est délaissée, au moins pour un temps, au profit du Moyen Âge qui attire la curiosité en histoire de Barante, Michelet, Thierry et en littérature celle de Victor Hugo avec Notre-Dame de Paris (1831). Surtout, l’histoire de la Révolution est systématiquement revue, notamment en 1847, lorsque Alphonse de Lamartine, Louis Blanc et Jules Michelet publient, à partir de prismes idéologiques différents, leurs histoires de l’événement fondateur. À partir des années 1850, l’écriture historique se place sous le joug de protocoles scientifiques, abandonnant souvent un récit trop chargé d’émotions et d’images pour revenir à une position délibérément théorique. Mais l’histoire continue à impressionner le roman durant tout le siècle comme en témoignent Jules Barbey d’Aurevilly (1808-1889) ou Anatole France (1844-1924).
C’est au théâtre que se manifeste avec le plus d’évidence la bataille romantique en France.La Préface de Cromwell de Hugo manifeste le début d’une rébellion qui avait commencé sourdement avec le drame bourgeois des Lumières et le mélodrame de la Révolution. Le drame romantique s’inspire aussi du théâtre allemand[...]
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Écrit par
- Marie-Ève THÉRENTY : professeure des universités, université Paul-Valéry Montpellier 3, membre senior de l'Institut universitaire de France
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Médias
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