FRANÇAISE LITTÉRATURE, XIXe s.
Littérature et société
La révolution industrielle, avec retard par rapport au Royaume-Uni, transforme en profondeur l’économie du pays entre la Restauration et le second Empire, comme le montrent les expositions universelles de 1855 et 1867 : les banques, les transports, les sites industriels connaissent un développement sans précédent qui touche aussi la presse, le monde des spectacles et l’édition (Louis Hachette obtient le monopole sur les bibliothèques de gare en 1852). L’antagonisme politique aussi bien que social entre Paris et la province se trouve confirmé par les grands travaux parisiens du baron Haussmann qui offre à la France la vitrine parisienne de ses réussites. Qu’il se nomme Balzac (1799-1850), Baudelaire ou Zola, l’écrivain, avec sa voix singulière, se veut donc le contrepoids spirituel au développement d’une société industrielle et urbaine dont il dépend pourtant étroitement.
Par ailleurs, l’appréhension des transformations de la littérature est impossible sans une prise en compte des conditions de production, de diffusion, de réception de la littérature dans une France qui évolue radicalement d’une extrémité du siècle à l’autre puisqu’en 1827, 55 p. 100 des conscrits se déclarent incapables de signer tandis qu’en 1906 seulement 5,1 p. 100 d’entre eux sont considérés comme illettrés. Le processus d’alphabétisation généralisée s’enclenche définitivement grâce au vote de la loi Guizot (1833) sur l’enseignement primaire. Le développement de la presse et de l’édition industrielle permet une démocratisation de l’accès à l’imprimé et fait entrer le texte dans l’ère de la reproduction et de la marchandise. Tôt dans le siècle, des écrits importants (« Lettre adressée aux écrivains français du xixe siècle », de Balzac ; « De la littérature industrielle », de Sainte-Beuve) constatent cette évolution des pratiques et des publics qui ne peut manquer d’avoir une répercussion sur les poétiques.
Le xixe siècle voit l’expansion de la presse et notamment du journal quotidien qui devient accessible à toutes les bourses. Tous les écrivains du siècle s’investissent dans la presse qui, non seulement leur offre des ressources financières dans un siècle où l’édition entre régulièrement en crise, mais, surtout, constitue un formidable laboratoire d’écriture puisqu’à côté de la critique (où s’impliquent par exemple Sainte-Beuve, Francisque Sarcey et Armand de Pontmartin), ils sont conduits à inventer l’écriture journalistique avec ses genres spécifiques, tels que la chronique, le reportage, l’interview.
Un autre secteur très marqué par la littérature industrielle est le théâtre qui, naturellement inséré dans une culture du boulevard et de l’attraction, a su s’organiser très tôt pour permettre à certains auteurs à succès (Eugène Scribe, Dumas fils, Émile Augier, Victorien Sardou) de gagner beaucoup d’argent. Trente-deux mille pièces sont créées à Paris entre 1800 et 1900, mais il s’agit surtout de mélodrames, de vaudevilles, d’opérettes, de pièces de boulevard qui attirent un public mêlé. En réaction à ce théâtre matérialiste et à une industrie marquée par le spectaculaire et le vedettariat, certains écrivains – Alfred de Musset, le Mallarmé des Divagations, Maurice Maeterlinck – envisagent un théâtre dans un fauteuil, sans passage à la scène.
Un paradigme général de l’exposition que l’on retrouve dans les musées, les magasins, les collections caractérise le siècle. Dès les années 1830 se diffusent des livres collectifs à l’ambition panoramique dont relèvent Paris, ou le livre des Cent et un (1831-1834), Le Diable à Paris (1853), Les Français peints par eux-mêmes (4 tomes, 1876-1878). Leur objectif est de décrire une société dorénavant éprouvée comme opaque. Ils participent, avec les encyclopédies et les dictionnaires du[...]
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Écrit par
- Marie-Ève THÉRENTY : professeure des universités, université Paul-Valéry Montpellier 3, membre senior de l'Institut universitaire de France
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Médias
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