FRANÇAISE LITTÉRATURE, XVIe s.
Qu’est-ce que le xvie siècle ? C’est la faille qui s’insinue entre le Moyen Âge et l’âge classique, une faille euphorique, dynamisante, mais bien vite reniée. Alors que la Renaissance en Italie s’étend sur plusieurs siècles, elle dure deux ou trois générations tout au plus en France. Ouverte avec Marot, grandissante avec Rabelais, confirmée par la Délie de Maurice Scève, elle culmine avec la Pléiade, entre en crise avec Montaigne et disparaît avant Malherbe. Agrippa d’Aubigné, au seuil du xviie siècle, est le témoin de son splendide achèvement.
À vrai dire, on fait correspondre la Renaissance aux guerres d’Italie (1494-1559). C’est le nouvel air qui vient du sud et qui réjouit un temps la France septentrionale jusqu’à la période des guerres de religion qui s’étend sur près de quarante ans et ne prend fin que très provisoirement, avec la paix revenue sous Henri IV. Du sud, le renouveau, une architecture et des arts revigorés, puis très vite, venue de l’est et du nord, la crise, une crise spirituelle, avec la Réforme, et bientôt politique, sans parler de la conjoncture économique qui se dégrade, et une longue agonie, marquée toutefois par des chefs-d’œuvre, dont le palais des Tuileries à Paris, et en littérature par les tragédies de Robert Garnier et les Essais de Montaigne.
Le xvie siècle embrasse en fait une pluralité d’époques. Il commence avec le Moyen Âge finissant et ce qu’il est convenu d’appeler les « grands rhétoriqueurs », avec la farce et la sottie chères à Pierre Gringore. Puis c’est la Renaissance avec la Défense et illustration de la langue française et L’Olive de Joachim du Bellay, les Odes, Les Amours et les Hymnes de Pierre de Ronsard, la Cléopâtre captive d’Étienne Jodelle. Enfin, la période de déclin des guerres civiles verra publier les œuvres du dramaturge Robert Garnier et des poètes Philippe Desportes et Jacques Davy Du Perron, en attendant le sursaut d’Agrippa d’Aubigné. C’est de cette époque tourmentée que surgit un genre nouveau avec les Essais de Montaigne, écrits « à sauts et à gambades » au sein d’une vaste « librairie », c’est-à-dire d’une ample bibliothèque ouverte, d’un côté, sur la cour du château fort et, de l’autre, sur la campagne environnante.
Que dire du xvie siècle, sinon qu’il est triple ou pluriel ? Seule sa période centrale, une quinzaine d’années à peine, correspond à ce que l’on appelle la Renaissance à proprement parler. La Renaissance française, c’est le court règne d’Henri II, de 1547 à 1559. Ensuite vient une longue période de troubles – et pas moins de neuf guerres de religion entrecoupées de moments de paix. Avec l’assassinat d’Henri III, le 1er août 1589, et l’avènement des Bourbons, se dessinent à terme le triomphe de l’absolutisme monarchique et, en littérature, l’affirmation durable du classicisme.
Il est difficile de trouver le point commun entre Marot et Ronsard, Rabelais et Montaigne, sans parler d’Agrippa d’Aubigné, qui ne publia rien avant 1600. À l’époque, il n’existe pas d’académies, du moins de manière continue, malgré une tentative sous Charles IX et Henri III, à l’instigation de Jean Antoine de Baïf. Le français devient la langue administrative sous François Ier, mettant fin au latin et à l’occitan dans les actes de justice, comme le promulgue l’ordonnance de Villers-Cotterêts d’août 1539. Pourtant, et malgré un fort sentiment national né de la guerre de Cent Ans, cette langue française est bien loin d’être partagée par tous les habitants du territoire. Le latin perdure comme langue d’échange entre doctes de toute l’Europe, inspirant des poètes comme du Bellay, qui compose dans cette langue les Xenia ou poèmes d’éloge dédiés aux grands de ce monde.
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Écrit par
- Frank LESTRINGANT : professeur de littérature française, Sorbonne université
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