FRANÇAISE LITTÉRATURE, XVIe s.
L’école lyonnaise
La seconde époque est celle de l’école lyonnaise. Seconde ville du royaume, ou troisième en concurrence avec Rouen, Lyon abrite une importante communauté italienne. Des livres italiens y sont imprimés, de la musique italienne y est composée. Son principal représentant est Maurice Scève (1501 env.-env.1564), l’auteur de Délie, objet de plus haute vertu (1544), suite de 449 dizains de décasyllabes, séparés en groupes de neuf par des emblèmes gravés. L’ensemble se conclut par la devise « Souffrir non souffrir ». Resserrée, abrupte, la poétique de Délie, anagramme transparente de l’« idée », cultive l’hermétisme, la contraction, le paradoxe. Délie inaugure en France la mode des recueils inspirés des canzioneri pétrarquistes, et prépare son apogée avec la Pléiade.
En émule de Marot et de son blason « Du beau tétin », Scève compose des blasons anatomiques du corps féminin : « Le sourcil », « La larme », « Le front », « La gorge » et « Le soupir ». Après son Canzoniere, il écrit La Saulsaye, « églogue de la vie solitaire » de quelque 730 vers inspirée par le débat anti-aulique mis à la mode par l’Arcadie de Jacopo Sannazaro, et qui pointe le danger des cours corruptrices. Le dernier mot y revient au personnage de Philherme, qui évoque la nature des proches abords de Lyon, à l’instant où le soleil se couche « outre le mont Fourvière ». Scève est également l’auteur de Microcosme (1562), son poème le plus ambitieux, de « trois mille et trois vers », qui narre, en trois livres de mille vers chacun, le début de la Genèse, la Chute, le meurtre d’Abel, puis le songe prophétique d’Adam, qui envisage les progrès du savoir humain à travers les siècles.
À côté de Maurice Scève, on trouve Pernette du Guillet, sa tendre amie, morte à vingt-cinq ans et dont les Rymessont posthumes (1545). Autre femme poète, dont l’existence est controversée, Louise Labé, lyonnaise, dont les Œuvres (1555) comprennent le Débat de folie et d’amour, trois élégies et vingt-quatre sonnets d’une écriture vigoureuse, aiguillonnée par les Baisers de Jean Second et nourrie de l’équivoque sur le mot latin labea, la « lèvre » aux baisers brûlants. Autour de cette œuvre, mince et ardente, s’est développé le mythe de « la Belle Cordière » – surnom de Louise Labé – tardivement assimilée à une courtisane notoire de Lyon, héritière de Sapho, la poétesse de Lesbos. Ami de Maurice Scève, Claude de Taillemont est l’auteur du Discours des champs faez et de La Tricarite, un recueil poétique placé sous le signe des trois grâces réunies en une seule personne. Successeur de Marot dans les fonctions de poète de cour, Mellin de Saint-Gelais rime au gré des circonstances. Maître de la forme concise, il joue par exemple de l’anthropomorphisme de l’instrument de musique. Spécialiste de cartels pour tournois, il traduit la Sophonisbe de Gian Giorgio Trissino, seconde tragédie représentée en France.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Frank LESTRINGANT : professeur de littérature française, Sorbonne université
Classification
Médias
Autres références
-
L'ADOLESCENCE CLÉMENTINE, Clément Marot - Fiche de lecture
- Écrit par Yvonne BELLENGER
- 905 mots
L'Adolescence clémentine paraît en 1532 et rassemble les textes de jeunesse du poète. Le recueil frappe par sa diversité. Dans son souci de jouer de toute la gamme du langage, Marot est l'héritier des grands rhétoriqueurs, mais c'est aussi un contemporain des humanistes, un poète de...
-
ALCRIPE PHILIPPE LE PICARD dit PHILIPPE D' (1530/31-1581)
- Écrit par Françoise JOUKOVSKY
- 355 mots
Moine normand de l'abbaye cistercienne de Mortemer, dans la forêt de Lyons, Philippe d'Alcripe semble avoir suscité la défiance de ses confrères par une activité littéraire jugée peu sérieuse : c'est en effet l'auteur de La Nouvelle Fabrique des excellents traicts de vérité...
-
LES AMOURS, Pierre de Ronsard - Fiche de lecture
- Écrit par Yvonne BELLENGER
- 884 mots
Le titre Les Amours désigne chez Ronsard une série de publications qui vont de ses débuts littéraires à la fin de sa vie. Célébrant Cassandre, Marie, puis Hélène, il invente un lyrisme qui renouvelle la poésie amoureuse.
-
AMYOT JACQUES (1513-1593)
- Écrit par Bernard CROQUETTE
- 912 mots
Humaniste et prélat français, c'est en tant que traducteur que Jacques Amyot s'imposa comme grand écrivain. Né à Melun d'une famille modeste, « le Plutarque françois » fait à Paris de brillantes études, de grec notamment, et est reçu maître ès arts à dix-neuf ans. En 1534 ou...
- Afficher les 64 références