FRANÇAISE LITTÉRATURE, XVIe s.
Romans et contes
Chez Rabelais (env. 1484-1553), l’heure est d’abord à l’euphorie. En témoigne la lettre de Gargantua à son fils Pantagruel, insérée dans le roman qui porte le nom de ce dernier, et qui est un hymne à la Renaissance des lettres sous François Ier. Tout en se mettant à l’école de Lucien de Samosate et d’Érasme, pour ne rien dire de Teofilo Folengo, Rabelais appartient au départ à la famille franciscaine dont il ne se détachera jamais complètement. Le caractère oral de son œuvre, la truculence de son style, la familiarité irrévérencieuse avec laquelle il traite du sacré et jusqu’à l’obscénité de son folklore ne sont pas étrangers à la culture monastique traditionnelle.
Le fait est que Rabelais, du Pantagruel (1532) au Quart Livre (1548, 1552), entrelace tradition savante et tradition populaire. Pantagruel et, dans une moindre mesure, Gargantua(1534) offrent une parodie du roman de chevalerie, dont la vogue perdure tout au long de la Renaissance. Le Tiers Livre (1546) présente une enveloppe plus érudite : c’est la série des consultations de Panurge qui s’inscrivent dans la lignée des dialogues de Lucien. Quant au Quart Livre, il conte la navigation de Pantagruel et de ses compagnons à la recherche de la Dive Bouteille, dans une structure littéraire en archipel, passant de la géographie de la Touraine et du Poitou à l’espace élargi de l’Océan, dans le sillage de Jason et d’Ulysse, mais aussi de saint Brendan et des moines irlandais du Moyen Âge. La littérature populaire devient avec Rabelais le véhicule des idées nouvelles en matière de pédagogie dans le Gargantua, de mariage et de politique matrimoniale dans le Tiers Livre, de religion dans le Quart Livre. Insoutenable au regard du siècle suivant, qui tolère de justesse les audaces d’un La Fontaine ou d’un Molière, le comique rabelaisien, qui ne répugne ni à l’obscénité ni à la scatologie, obéit à cette logique du Carnaval que mettra en lumière Mikhaïl Bakhtine (1965).
Amadis de Gaule, roman de chevalerie traduit de l’espagnol et bientôt augmenté de suites, est le best-seller indiscutable du xvie siècle. Pendant soixante-quinze ans, le succès ne faiblit pas. Partant de la version espagnole d’Ordoñez de Montalvo, Nicolas d’Herberay des Essarts publie les huit premiers livres d’Amadis entre 1540 et 1548. Puis vient Jacques Gohory, qui donne en 1553 les livres X, XI et XIII, tout en enrichissant cette suite de considérations alchimiques. Le succès perdure, jusqu’au XXIIe livre, en 1615.
L’Heptaméron (posthume, 1558-1559) de Marguerite de Navarre, réplique duDécaméronde Boccace réduite à sept journées, fait alterner contes plaisants, voire farcesques, et histoires tragiques, le tout baignant dans la lumière de l’évangélisme. Pierre Boaistuau est l’auteur d’un des plus grands succès européens de son temps, le Théâtre du monde (1558), recueil des misères humaines nourri de saint Augustin et d’Érasme, et surtout des Diverses Leçons de l’Espagnol Pero Mexía. Ses Histoires tragiques, traduites d’après Matteo Bandello (1559), connaissent une singulière fortune tout au long du xvie siècle et fondent un genre. De Boaistuau encore, les Histoiresprodigieuses (1560) marient à Pline l’Ancien les Livres de la subtilité de Jérôme Cardan. À sa suite, François de Belleforest, compilateur par profession, augmentateur de la Cosmographie universelle de Sébastien Münster, poursuit les Histoires tragiques, jusqu’à sa mort en 1583. Il fournit la matière de deux récits célèbres, entremêlés de vers, le « cœur genereux d’une Damoiselle françoise » exilée dans une île, histoire esquissée dans l’Heptaméron, et l’histoire d’Amleth, « qui depuis fut Roy de Dannemarch », laquelle deviendra quelques années plus tard une tragédie de Shakespeare. L’histoire tragique aura une vogue durable tout au long du xvii[...]
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Écrit par
- Frank LESTRINGANT : professeur de littérature française, Sorbonne université
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Médias
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