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FRANÇAISE LITTÉRATURE, XVIe s.

Le théâtre : des mystères aux genres classiques

Les formes médiévales, telles que le miracle ou le mystère, sans oublier la farce et la sottie, continuent d’être jouées en France au moins jusqu’au milieu du siècle. La tragédie naît avec l’Abraham sacrifiant de Théodore de Bèze (1519-1605), pièce biblique en cinq actes à la fin bienheureuse. Comme le sous-titre l’indique, c’est la première « tragédie française » créée à Lausanne en 1550, sans doute le 1er mai, et jouée par les étudiants. Plutôt qu’une tragédie au sens strict, c’est un petit mystère naïf. L’intrigue, tirée du récit de la Genèse, est entrecoupée par les intermèdes de Satan, cependant qu’à deux reprises les anges descendent du Ciel pour nouer et dénouer l’action.

La première tragédie à l’ancienne est la Cléopâtre captive d’Étienne Jodelle (1532-1573). Jouée d’abord devant le roi à l’hôtel de Reims, par les poètes de la Brigade, future Pléiade, puis au collège de Boncourt, en 1553, célébrée à l’unisson par le pseudo-sacrifice du bouc à Arcueil, lors d’un banquet en l’honneur de Jodelle, elle est divisée en cinq actes de longueur inégale et s’achève par la mort de l’héroïne. Jodelle s’est inspiré de la Vie d’Antoine de Plutarque, entrecoupant le développement tragique par des interventions du chœur à la fin de chaque acte. Quelques années plus tard, Jodelle donne Didon se sacrifiant, autre héroïne tragique conduite à la mort par les raisons toutes politiques d’un homme, Énée, qui l’abandonne.

Suit La Soltane de Gabriel Bounin (1561), dont le sujet est emprunté aux Turcs et à l’histoire ottomane récente. L’âge d’or de la tragédie française de la Renaissance correspond à la période des guerres de religion. La tragédie est dans l’Histoire elle-même, comme le remarque Agrippa d’Aubigné : « Quand ce siècle n’est rien qu’une histoire tragique » (Les Tragiques, II, 206). Un théâtre à l’action fortement nouée s’esquisse avec le protestant Jean de La Taille et ses deux pièces Saül le Furieux – « tragédie prise de la Bible » –et La Famine, ou les Gabéonites – « tragédie prise de la Bible, et suivant celle de Saül » (1572). Dans le traité De l’art de la tragédie, qui sert de préface à l’ensemble des deux pièces, La Taille formule la règle des trois unités – temps, lieu et action.

Robert Garnier (1544-1590) est l’auteur de sept tragédies et d’une tragicomédie (« tragecomedie ») écrites entre 1567 et 1583. C’est l’œuvre théâtrale la plus étendue qu’ait produite la Renaissance française, la plus classique aussi, avec Marc Antoine – annonçant La mort de Pompée de Corneille – et Hippolyte – préfigurant Phèdre de Racine. Ce théâtre de l’effroi et de la cruauté trouve dans Sénèque son modèle, mais le dépasse dans Les Juifves, tragédie qui conte la fin de Sédécie, roi de Jérusalem, et de ses enfants mis à mort devant lui. Conformément à la Poétique d’Aristote, le drame tragique suscite, par l’identification du spectateur au personnage, la purgation des passions ou catharsis. Avec Garnier, le public fait siens le désespoir de Cornélie ou de Marc Antoine, l’orgueil de César et la pitié d’Agrippe. Les sautes de caractère, les ruptures psychologiques induisent une interrogation qui rebondit de scène en scène. Imitée d’un épisode du Roland furieux de l’Arioste, la tragicomédie de Bradamante, dont l’héroïne est une amazone en armure, mêle les tons les plus divers, du registre épique à celui de la franche comédie.

À côté de la tragédie, qui compte ses premiers chefs-d’œuvre, la comédie suit son cours, avec l’Eugène de Jodelle, La Trésorière et Les Ébahis de Jacques Grévin, Les Contens d’Odet de Turnèbe, Les Corrivaux (ou « rivaux entre eux ») de Jean de La Taille et surtout les neuf comédies imitées[...]

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