FRANÇAISE LITTÉRATURE, XVIIe s.
Entre la Renaissance et les Lumières, le xviie siècle fait figure, en Europe, d’époque de transition : après l’enthousiasme humaniste, c’est une période marquée par le doute, voire l’angoisse que suscite l’ébranlement de l’unité des croyances et du système ordonné des connaissances ; elle ouvre la voie à une refonte de tout l’édifice intellectuel, où le xviiie siècle trouvera une nouvelle énergie pour la pensée et la sensibilité. Dans l’intervalle va s’opérer une transition dont la difficulté se manifeste par une tension continue, dans l’art et la pensée. Tension entre la perpétuation de l’idéal humaniste de révérence confiante et stable envers le passé, les Anciens, les « autorités », et l’aspiration moderne à un progrès par rupture, théorisé par Descartes et illustré par des auteurs et des penseurs critiques ou rebelles, comme Naudé, Cyrano de Bergerac, Bayle ou Fontenelle. En France, cette tension prend la forme notamment d’une querelle des Anciens et des Modernes qui court souterrainement durant tout le siècle, avant d’atteindre son acmé durant ses deux dernières décennies : un poèmede Charles Perrault, Le Siècle de Louis le Grand (1687), enclenchera alors le conflit. Il le fera d’une façon paradoxale, en appuyant son plaidoyer en faveur du présent sur l’exemple même des chefs-d’œuvre littéraires produits par les plus chauds partisans des Anciens, comme Boileau ou Racine, supérieurs selon Perrault à leurs modèles antiques.
Dès cette époque, en effet, bien des contemporains éprouvèrent et exprimèrent le sentiment de vivre un moment exceptionnel de l’histoire, en particulier de l’histoire de la littérature : la fortune de l’expression « siècle de Louis XIV » qui devait ensuite, sous la plume de Voltaire (1751), succéder à celle de « siècle de Louis le Grand », entérina définitivement cette appréciation. Et puis l’invention de l’esthétique et la palme de la perfection qu’elle accordait aux périodes de l’Antiquité définies comme « classiques » conduisirent le xixe siècle à étendre cette qualification à l’art et à la littérature du xviie siècle français, désormais assimilé au nom de Louis XIV – même si le règne de celui-ci ne couvre guère qu’une moitié de la période (1643-1715). Cette assimilation fut confortée par les diatribes des romantiques, épris de liberté et de nouveauté, contre les partisans d’une esthétique régulée et normée, référée de manière schématique et pour partie abusive à ce qu’on appelait aussi le « Grand Siècle ». L’ambiguïté de ces désignations qui étaient en même temps des évaluations fit paradoxalement la fortune du « classicisme français » dans la critique et l’histoire littéraires, devenues un genre à part entière depuis Sainte-Beuve, grand admirateur de cette période.
Classicisme et baroque : un art des contraires
Le paradoxe de ce label de sérénité classique accordé au xviie siècle français au sein d’une Europe déchirée et déroutée fit prendre conscience, au xxe siècle, du caractère partiel et partial de cette perception sélective et normative. Le souci de rendre meilleure justice à la diversité d’une époque à la fois complexe, diverse, tendue et même tragique dans le domaine historique, intellectuel et esthétique renversa la perspective : on emprunta à l’histoire de l’art le concept de « baroque » pour exprimer l’exacerbation de la sensibilité que manifeste aussi une partie de cette période, son goût pour l’excès et l’extrême, pour les forces obscures et les artifices séducteurs. On divisa dès lors le « Grand Siècle » en deux : une première partie dite baroque sous Henri IV (jusqu’en 1610) et Louis XIII (1610-1643), le reste, classique, sous le règne personnel de Louis XIV (1661-1715). La régence houleuse qui avait fait transition[...]
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Écrit par
- Patrick DANDREY : professeur émérite à la faculté des lettres de Sorbonne université
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