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FRANÇAISE LITTÉRATURE, XVIIe s.

La poésie

En poésie, par exemple, parmi les quelque quatre cents poètes qui publient entre 1600 et 1630, la modernité du lyrisme véhément de Théophile de Viau, naturaliste, imaginatif et rebelle, diffère en tout de celle de Malherbe, raisonnée et architecturée, coulée dans le moule des formes prosodiques héritées de l’antique, pourtant en rupture revendiquée avec la « passion mythologique » qui caractérise au xvi° siècle la Pléiade et ses références érudites : on a ici une combinaison diverse de choix esthétiques entre les pôles de la mesure et de l’excès, de l’Antiquité et de la modernité.

De même, autour de ces deux poètes majeurs, les déchirements amoureux du néo-pétrarquisme (Desportes), les délicatesses nostalgiques de la pastorale (Racan), la robustesse paillarde et souvent obscène des « satyriques » (Sigogne) – qui ne se confond pas tout à fait avec la verve incisive des satiriques (Régnier) – et les « divins élancements » d’un mysticisme exacerbé (Chassignet) ou d’une foi militante (d’Aubigné) colorent la sensibilité de chacun diversement et parfois conjointement : le même poète peut se montrer tour à tour dévot et licencieux, austère et obscène. C’est le cas d‘Auvray, de Motin ou de François Maynard.

Saint-Amant et Tristan L’Hermite, dont l’œuvre poétique domine ensuite le second quart du siècle, manifestent l’un avec la verve pétulante d’une fantaisie inspirée par les « caprices » à l’italienne, l’autre avec la délicatesse d’un hédonisme teinté de mélancolie, le goût d’une poésie de cercles et de coteries : pour l’un le cabaret joyeux et sa verve bachique, pour l’autre la cour ou le salon mondain. Dans ce dernier cadre, le goût délicat, qu’on dit « précieux », raffinera bientôt jusqu’à l’amphigouri les jeux d’esprit sur le mode et dans le moule d’une Antiquité de pacotille, pour une poésie d’actualité immédiate et de circonstance. Ce sera le milieu où Voiture, Malleville, Godeau ou Sarasin pratiquent les formes brèves et « galantes » (c’est-à-dire élégantes) au sommet desquelles règne le madrigal, genre moderne vêtu à l’antique avec la caution d’Horace, illustré par la célèbre Guirlande de Julie composée au sein de l’hôtel de Rambouillet, temple de la première préciosité.

Le retour à Horace et à la pure inspiration antique sera, après 1660, le fait de Boileau dont les Satires, les Épîtres et l’Art poétique, dans la lignée du poète latin, adapteront au goût classique français celui du tout premier Empire romain, tout en prolongeant la rationalité et la robustesse poétiques de Malherbe pour offrir par l’exemple et par la doctrine une synthèse de l’esprit et du goût classiques plus originale et personnelle qu’on ne l’a dit. L’humeur que révèlent les Épîtresde Boileau l’inclinait aussi à la brusquerie sombre ; et la verve de ses Satires doit quelque chose à la poésie burlesque du temps de la Fronde (1648-1652), qui avait été portée à son incandescence irrévérencieuse par Scarron, l’auteur du Virgile travesti, pour qui la référence aux Anciens passait par l’irrévérence savoureuse et complice de la parodie.

Héritier conjoint du cabaret et des salons, l’autre grand poète du règne personnel de Louis XIV, La Fontaine, conjoint dans la diversité de son œuvre l’inspiration antique et moderne, rimant alternativement la morale de la fable héritée d’Ésope et les grivoiseries du conte à l’italienne, parmi des textes de tout genre, divers de forme et d’inspiration. Mais tous sont revêtus de ce vernis de badinage charmeur qui jette une lumière diffuse sur les profondeurs plus secrètes de son épicurisme inquiet.

Leur signature « classique » à tous deux, c’est le naturel, sommet d’une aisance obtenue à force de travail, mais qui se dissimule, que Boileau, tout « Ancien »,[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite à la faculté des lettres de Sorbonne université

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