FRANÇAISE LITTÉRATURE, XVIIe s.
Le roman
On voit que la poésie héroïque n’occupe pas, loin s’en faut, le premier plan de ce tableau, en dépit des efforts de Desmarets de Saint-Sorlin, Georges de Scudéry ou Chapelain pour donner à la France une épopée digne de celles d’Homère et surtout de Virgile. C’est le roman qui occupe pour partie ce registre, même si, effectivement héroïque dans la lignée des Amadis de Gaule, il peut aussi être pastoral, dans le souvenir des bucoliques antiques. Dans tous les cas, le sentiment amoureux y a sa place pleine et entière. Le genre exploite en effet le filon très ancien du roman grec qu’il adapte au goût baroque pour les intrigues à tiroirs et les aventures galantes. L’Astrée d’Honoré d’Urfé, avec sa rêverie ornée et raffinée teintée de néo-platonisme, ouvre ainsi la voie aux grands romans de l’époque baroque en France. Le second tiers du xviie siècle sera sillonné par les exploits merveilleux, les discours éloquents et les cas de conscience amoureuse des héros idéalisés et stéréotypés que Gomberville, La Calprenède ou Georges et Madeleine de Scudéry entraînent dans leurs récits interminables, multipliant rebonds, replis et enchâssements.
La lassitude peu à peu suscitée par ces sommes qui manquaient de vraisemblable pour un public féru de récits de voyages, de correspondances et de mémoires plus solides et variés, entraîna dans la seconde moitié du siècle la vogue des « nouvelles » de forme brève, mimant les échanges de lettres, comme celles de La Religieuse portugaise (Guilleragues), ou les récits historiques, comme La Princesse de Clèves(Mme de Lafayette). Ces réussites ne doivent pas faire oublier les romans et nouvelles moins célèbres de Jean Regnault de Segrais, Edme Boursault, Mme de Villedieu, Saint-Réal ou encore Courtilz de Sandras dont les mémoires fictifs de d’Artagan inspireront Alexandre Dumas.
Sans que la fiction narrative quitte le registre de l’élégance et de l’idéalisation, cette inflexion en direction de la vraisemblance sinon de la réalité permettait à ces narrations de faire un pas en direction de l’autre veine romanesque qui parcourt le siècle : celle des « histoires comiques ». Dérivés des romans picaresques et du Don Quichotte espagnols, ces textes bigarrés font un contrepoint trivial et narquois au roman pastoral et héroïque, en le rabaissant par la parodie ou en le contestant par leur familiarité primesautière et hardie. Du Francionde Sorel au Roman bourgeois de Furetière en passant par le Roman comique de Scarron, avec des incartades de fantaisie comme Les États et Empires de la Lune et Les États et Empires du Soleilde Cyrano, ces récits vifs et libres ouvrent la voie aux futurs romans du quotidien, sans vraiment annoncer leur réalisme encore bien lointain. Ils se contentent de prôner la « naïveté », entendue comme un refus de choisir dans la peinture de la vie ce qu’y approuvent l’esthétique et l’éthique, en embrassant tout sans rien dédaigner.
Les goûts se diversifiant, la fin du siècle précipitera la fiction narrative dans une direction tout autre : celle du féerique, qu’on appelle alors le merveilleux. Perrault ou Mme d’Aulnoy sacrifient alors à la mode du conte de fées pour offrir un équivalent national et moderne aux métamorphoses et autres contes mythologiques hérités d’Ovide. Mais à la même époque, dans le même registre, et pour que l’Antiquité gréco-latine ne soit pas tout à fait trahie, on verra Fénelon livrer avec Les Aventures de Télémaque (1699) une suite moralisée de l’Odyssée dont le charme de la douceur, christianisée et empreinte de leçon politique, fait écho, dans une intention pourtant bien éloignée, à celle des contes féeriques qui séduisent la cour.
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Écrit par
- Patrick DANDREY : professeur émérite à la faculté des lettres de Sorbonne université
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