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FRANÇAISE LITTÉRATURE, XVIIe s.

Le théâtre

Le merveilleux règne également alors sur un genre nouveau surgi dans la seconde moitié du siècle : l’opéra à la française ou « tragédie lyrique ». Quinault est le librettiste des spectacles chantés et dansés qu’à partir de 1673 Lully va composer chaque année pour la cour et la ville, à grand renfort d’effets visuels : scènes infernales, apparitions des dieux depuis les cintres, orages et tempêtes, qui recyclent la mythologie et les sujets antiques dans un art mobilisant, grâce aux « machines », toutes les ressources de la scène et symbolisant la modernité la plus brillante. Les partisans des Anciens en sont donc les adversaires farouches. Boileau s’en moque et Racine lui oppose un modèle de tragédie biblique avec chœurs, figuré par Esther (1689) et Athalie (1691) qu’il écrit à l’intention exclusive des jeunes filles de l’institution de Saint-Cyr. Destin discret pour ces ultimes chefs-d’œuvre du genre dramatique, de tous sans aucun doute le plus inventif dans la littérature du xviie siècle, celui dont les créations demeurent les plus actuelles.

Cette floraison qui portera le théâtre français au zénith de la scène européenne n’aurait pas été possible sans l’influence fécondante, en ce domaine, des deux nations qui dominaient l’Europe au début du xviie siècle : politiquement l’Espagne, culturellement l’Italie. La dramaturgie espagnole du Siècle d’or influencera notamment en France l’envol et le succès foudroyant d’un genre original, la tragi-comédie. Mais l’exemple espagnol sera déterminant aussi pour le genre comique, sans y égaler pourtant le rôle des troupes de commedia dell’arte italiennes qui sillonnent alors assidûment les provinces et auront même une scène permanente durant toute la seconde moitié du siècle à Paris, avant d’en être chassées en 1697. Dans la capitale, Tiberio Fiorelli (Scaramouche) puis Domenico Biancolelli (Arlequin) et leurs compagnons de la Comédie-Italienne se produisent en alternance sur la même scène que la troupe de Molière, lequel devra beaucoup pour son jeu et même pour son écriture comique aux manières de ses « voisins » italiens. Sans eux, ni Mascarille ni Sganarelle, types comiques inventés par Molière pour lui-même, n’auraient sans doute vu le jour.

Dans la hiérarchie des genres dramatiques, c’est la tragédie qui tient le plus haut rang. Tardivement imité des Grecs par la médiation des Italiens, le genre n’était pourtant apparu en France que durant la seconde partie de la Renaissance, sous la forme d’une déploration oratoire, noble et statique, dont l’œuvre de Montchrestien perpétue la formule au début du xviie siècle. Le genre prend alors un tournant décisif, dans le contexte d’un goût de plus en plus marqué pour les spectacles horribles et sanglants dont témoigne l’accueil qui sera fait jusque dans les années 1630 aux « histoires tragiques », ces récits violents, morbides et effrayants signés par Rosset puis par Jean-Pierre Camus. Durant la même période, les spectateurs de l’hôtel de Bourgogne, alors seule scène permanente de Paris, applaudissent des tragédies inspirées de Sénèque, spectaculaires, riches de crimes, de fureur et de sang, comme celles de Hardy ou la Pyrame et Thisbé de Théophile de Viau.

Quant à la comédie du début du siècle, sous la double influence espagnole et italienne rivalisant avec la tradition de la farce française, le genre se partage entre la continuation de celle-ci par les saynètes à rire des farceurs (Gaultier-Garguille, Gros-Guillaume, Turlupin) ou des bateleurs (Tabarin, Bruscambille), et une veine de style plus soutenu. Celle-ci cherche à susciter seulement le sourire, en tramant sous la plume de Mairet, Du Ryer, Mareschal, Rotrou et surtout Corneille les intrigues amoureuses de jeunes gens élégants dans un cadre urbain, contemporain et vraisemblable, propre à satisfaire[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite à la faculté des lettres de Sorbonne université

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