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GUJARĀTĪ LITTÉRATURE

Gujarātī moderne depuis 1850

Après la conquête par les Anglais des possessions marathes dans la péninsule gujarātī et après la pacification de l'ensemble des principautés qui forment l'État du Gujarāt moderne, apparut dès 1820 une littérature nouvelle sous l'influence des auteurs anglais rendus accessibles par l'introduction d'un enseignement de type occidental à Bombay, Surat et Ahmedabad. La première imprimerie gujarātī, lithographique, non missionnaire, fut installée à Surat en 1842. Les nouveaux manuels scolaires et la presse gujarātī naissante fixèrent une norme pour la prose, et on vit ensuite l'épanouissement de tous les genres occidentaux : roman, nouvelle, théâtre... La poésie demeura cependant pour un temps le moyen d'expression littéraire préféré. Elle servit des buts aussi prosaïques que la lutte sociale menée par les deux précurseurs de la littérature moderne : Dalpatrām (1820-1898), principal animateur de la Gujarāt Vernacular Society, fondée en 1848 par un juge anglais, A. K. Forbes, et Narmadashankar (1833-1886), un des brillants élèves du Elphinstone College, fondé à Bombay en 1827. Il s'agissait pour Dalpat et Narmad, comme pour leurs contemporains et successeurs, de purifier la société hindoue de ses défauts, tels le mariage des enfants ou le veuvage forcé des jeunes filles de haute caste. Le combat social contre ces abus fut bientôt accompagné d'une redécouverte (notamment à travers les travaux de l'érudition sanskrite occidentale) du passé glorieux de l'Inde antique ; il s'ensuivit une volonté d'identification nationale aux valeurs de ce passé prestigieux. Ce fut alors, précédant le retour de Gandhi en Inde (1915), l'« ère des savants » (paṇḍita yuga). Les deux grandes figures sont Narasiṃharāo Divetia (1859-1937) et Govardhanarām Tripathi (1855-1907), auteur du roman Sarasvatīcandra en quatre volumes (1887-1901). Les plus solides contributions littéraires de la lutte pour l'indépendance demeurent l'autobiographie de Gandhi (1869-1948), Satyanā prayogo athavā ātmakathā (1926), et le journal rédigé par son secrétaire, Mahādev Desai (1892-1942) : Mahādeva-bhāī-nī dāyarī en treize volumes. Umashankar Joshi (1911-1988) et Sundaram (1908-1991) sont les poètes marquants de cette époque fertile. La nouvelle apparut relativement tard, mais reprit à l'envi les thèmes du roman social représenté par Pannālāl Patel (1912-1989), Jhaverchand Meghani (1897-1947) et Darshak (1914-2001). La nouvelle connaît un succès ininterrompu, la demande étant considérable. Parmi la foule des noms, on peut retenir Dhūmaketu (1892-1965) et Gulābdās Broker (1909-2006). Après l'indépendance de l'Inde, un vent de désillusion souffla sur l'inspiration des jeunes poètes, qui cultivèrent dès lors le retour sur soi. Le plus exigeant de tous, initiateur et critique brillant qui domine encore la scène littéraire, est Suresh Joshi (1921-1986).

La révolte littéraire des dernières décennies, incarnée par Suresh Joshi, censeur lui-même de toutes les singeries occidentales, dépasse le conflit d'identité entre, d'une part, l'ouverture à l'Occident et au modernisme, et, d'autre part, la prise de conscience d'une indianité. Cette indianité, en effet, a été investie de l'intérieur par le développement d'une société de type occidental, triomphante dans les grands centres industriels et urbains : si bien que la littérature contemporaine gujarātī reste elle-même lorsqu'elle décrit, sur un mode désespéré, son propre Occident.

— Françoise MALLISON

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