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JEUNESSE LITTÉRATURE POUR LA

Un espace aux frontières incertaines

<em>Les Misérables</em>, V. Hugo - crédits : Géo Dupuis/ musée Victor Hugo, Paris/ AKG Images

Les Misérables, V. Hugo

Les faits sont là : de même qu'un seuil a été franchi, avec Les Misérables (1862) de Victor Hugo, dans la vision réaliste de l'enfant pauvre généré par la société industrielle, il y a désormais un avant et un après Harry Potter, notamment après la sortie mondialement médiatisée en 2001 du film, qui met en scène le premier roman de J. K. Rowling, Harry Potter à l'école des sorciers, de 1997, publié en français dès 1998. Plus de vingt millions d'exemplaires des livres de la série ont été vendus en France. Le lecteur enfant, abolissant les différences, est devenu depuis lors la référence paradoxale et le promoteur d'une lecture de masse dans le cadre de la mondialisation.

Lewis Carroll - crédits : Lewis Carroll/ Hulton Archive/ Getty Images

Lewis Carroll

Ce séisme marque l'aboutissement d'une lente maturation de la culture populaire initiée par Le Seigneur des anneaux de J. R. R. Tolkien (1892-1973), et, plus loin encore en remontant le temps, par la « fantasy » inaugurée par Edward Lear et par Lewis Carroll dans Les Aventures d'Alice au pays des merveilles(1865), mêlant fiction merveilleuse et réalité. Tolkien, professeur d'Oxford, spécialiste de littérature médiévale, a remis au goût du jour la passion des temps médiévaux, qui s'est vu amplifiée par le merveilleux des Lettres du Père Noël adressées à ses propres enfants et publiées en 1976. Ses livres ont formé les scénaristes de jeux de rôles dont est née la série, dépassant dix millions d'exemplaires en France, des « livres dont vous êtes le héros », avec notamment en 1983, Le Sorcier de la montagne de feu de Steve Jackson et Ian Livingstone, où l'on peut voir, dès 1987, la manifestation d'un « nouveau baroque ». Le baroque, comme esthétique de la turbulence et de l'excès, de la volute et du pli pour reprendre les termes de Gilles Deleuze dans Le Pli. Leibniz et le baroque (1988), mobilise une énergie débridée qui, contre la mort, traverse le corps et convoque magiquement l'élévation spirituelle – un schéma d'initiation bien adapté à la lecture de l'enfant. Ces livres étaient introduits par Gallimard qui a su soutenir la vente des classiques issus de la Collection Blanche (comportant, entre autres, L'Enfant et la rivière d'Henri Bosco, 1953) par une politique hardie de traductions. Chaque éditeur, en effet, s'efforce de découvrir l'auteur phare qui permettra de réaliser un exploit similaire et pousse à l'imitation des genres plébiscités par le grand public : ainsi Pierre Bottero sort de Tolkien et Sophie Audouin-Mamikonian du Songe d'une nuit d'été ! Un mécanisme qui brouille les critères, fait évoluer le goût, subvertit les barrières entre littérature populaire et une écriture répondant à des codes plus sélectifs, mais qui a un autre avantage : celui de redonner un sang neuf à des textes animés par la paidia (« turbulence native ») à travers laquelle l'enfant trouve sa forme propre.

La concurrence de la culture anglo-américaine et l'uniformisation du goût des lecteurs imposée par ce qui est un commerce au niveau planétaire apparaissent donc comme de puissants stimulants à la création nationale qui, en France, a atteint environ 80 millions de livres vendus en 2005 dans ce secteur, sur les 460 millions de l'édition générale. C'est ainsi que, réagissant de manières diverses aux sollicitations du marché en fonction de leurs exigences morales ou culturelles et de leur situation dans le champ éditorial, les maisons d'édition qui publient de la littérature de jeunesse offrent une abondante production annuelle de plus de 10 000 titres.

Ensemble composite, la littérature pour la jeunesse rassemble des textes, albums, poésies, romans, documentaires, essais de toutes sortes appartenant à un secteur éditorial soumis à la loi sur la presse du 16 juillet[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite de l'université de Paris-XIII, président fondateur de l'Institut international Charles-Perrault

Classification

Médias

Michel Tournier - crédits : Rapahel Gaillarde/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Michel Tournier

<em>Les Misérables</em>, V. Hugo - crédits : Géo Dupuis/ musée Victor Hugo, Paris/ AKG Images

Les Misérables, V. Hugo

Lewis Carroll - crédits : Lewis Carroll/ Hulton Archive/ Getty Images

Lewis Carroll

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