NÉERLANDAISE ET FLAMANDE LITTÉRATURES
La littérature moderne à partir du romantisme (1775-1939)
Un contre-courant à l'esprit rationnel et contenu des Lumières se dessine vers la fin du xviiie siècle sous l'influence de préromantiques comme Goethe et Rousseau. On retrouvera dans le roman Julia (1783) de Rhijnvis Feith (1753-1824) les effusions et les désespoirs de Werther et de Saint-Preux. Notons aussi l'œuvre pathétique et visionnaire du poète Willem Bilderdijk (1756-1831). Ses confrères Jakobus Bellamy (1757-1786), patriote et sentimentaliste, et A. C. W. Staring (1767-1840), auteur de longs poèmes épiques et d'épigrammes, sont également considérés comme d'importants pionniers du romantisme néerlandais.
Une période hybride
Historiquement, il est impératif de savoir que la Flandre s'émancipe en 1830 de la tutelle du Nord. Dans le domaine littéraire, le xixe siècle se caractérise par un mélange de romantisme et de réalisme. Ainsi, les premiers poèmes de Nicolaas Beets (1814-1903) portent-ils encore la marque du romantisme, tandis que sa prose ultérieure, comme la Camera Obscura (1839), brosse un tableau réaliste de la vie bourgeoise. C'est le même caractère hybride que montrent l'œuvre de Jacob van Lennep (1802-1868), spécialiste, entre autres, du roman historique, et celle de E. J. Potgieter (1808-1875). Potgieter a par ailleurs fondé le magazine mensuel De Gids (Le Guide). À ce magazine collaborait également le critique littéraire le plus féroce de son temps Conrad Busken Huet (1828-1886).
L'œuvre romanesque majeure de l'époque est sans aucun doute Max Havelaar (1860) de Multatuli (pseudonyme de Eduard Douwes Dekker, 1820-1887). Polyphonique almalgame de récits à tiroirs, ce roman est avant tout une critique du régime corrompu exploitant les Indes néerlandaises.
Remarquons, vers la fin du siècle, les écrivains Louis Couperus (1863-1923) et Frederik Van Eeden (1860-1932), dans les romans desquels un romantisme impressionniste est mêlé à des éléments naturalistes. Tous deux nous ont, entre autres, laissé des portraits de femmes tragiques. À travers Eline Vere (1888) par Couperus, le lecteur fait la connaissance d'une jeune fille hypersensible, élevée dans la haute société de La Haye, et Hedwig dans Van de koele meren des doods (Des lacs froids de la mort, 1900) de Van Eeden peut être considérée comme l'Emma Bovary du Nord. Une partie de l'œuvre de Couperus est en outre placée sous le signe de la vie indo-néerlandaise.
En Flandre émerge, au cours du siècle, le Vlaamsche Beweging (« Mouvement flamand »), qui vise à mettre un terme à la prédominance du français. Sur le plan littéraire, ce mouvement sera incarné par le romancier Hendrik Conscience (1812-1883) et le prêtre-poète Guido Gezelle (1830-1899). Le premier écrira principalement des romans historiques, teintés de sentiments nationalistes, tandis qu'on verra Gezelle fonder une imposante œuvre poétique qui joue sur la divinisation de la nature, l'individualisme et sur une musicalité dans le style de Verlaine.
Vers 1880 survient aux Pays-Bas le mouvement des Tachtigers (poètes des années 1880), qui s'insurge contre les « Poètes-pasteurs », si présents au xviiie siècle. Ce mouvement est animé par Willem Kloos (1859-1938), épaulé par Lodewijk Van Deyssel et Albert Verwey. Ils fondent une revue nommée De Nieuwe Gids (1885-1894 ; Le Nouveau Guide). Les Tachtigers se manifestent dans un symbolisme impressionniste de facture parnassienne. Ainsi des poèmes de Jacques Perk, de Frederik Van Eeden et de Herman Gorter. J. H. Leopold et P. C. Boutens ne publieront leurs premières œuvres poétiques que vers la fin du siècle mais leur symbolisme les rend proches des Tachtingers.
De son côté, la Flandre aura ses propres « parnassiens », réunis dans le mouvement Van Nu en Straks (« Du présent et du proche avenir ») animé par August[...]
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Écrit par
- Paul GELLINGS : docteur ès lettres, écrivain, traducteur, professeur de littérature française
Classification
Médias
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