LITURGIE CATHOLIQUE DE L'EUCHARISTIE
La réforme conciliaire
Il faudra attendre le « mouvement liturgique » du xxe siècle, où les fidèles s'impliquent de plus en plus dans une célébration dont ils ne veulent plus être seulement spectateurs, puis le deuxième concile du Vatican qui en prendra acte, pour que la préoccupation première redevienne « la participation pieuse et active » de tous à la célébration (Constitution sur la liturgie, 4 décembre 1963). C'est avec cette principale consigne que le concile demanda que soit élaboré un nouveau rituel, plus proche de la messe antique.
La réforme liturgique promulguée par le pape Paul VI le 3 avril 1969 et mise en œuvre par lui avec la même autorité que tous ses prédécesseurs, eut ainsi comme principal objectif de rendre toute la communauté véritablement acteur de la liturgie, exerçant dans la messe, au nom de son baptême et de son appartenance au corps du Christ, un véritable « sacerdoce baptismal ». Par le sacrement de l'ordination qu'il a spécialement reçu, l'évêque, ou en son nom le prêtre, qui préside la célébration signifie la place du Christ comme tête de ce corps.
Les incidences les plus visibles de cette réforme visant à redonner la messe à toute l'Église furent la transformation des autels, de telle sorte que la communauté puisse voir et entendre ce qui redevenait sa prière, et, dans la même perspective, l'adoption de la langue de tout le monde. De plus un certain nombre de doublets et d'adjonctions accumulés au long des siècles furent supprimés. Ainsi, cette réforme ne se voulut pas d'abord une adaptation à une nouvelle époque mais plutôt le retour à des pratiques antérieures, plus authentiquement « traditionnelles », comme l'atteste la reprise de prières eucharistiques très anciennes à côté du « canon romain » de saint Pie V (fixé vers le viiie siècle) : prière eucharistique de saint Basile, utilisée par les Églises d'Orient (ive siècle) et d'Hippolyte de Rome (iiie siècle).
En fait cette liturgie, non pas nouvelle mais renouvelée, est l'expression la plus visible de toute l'œuvre du deuxième concile du Vatican. À propos de ce concile, on a parlé d'ouverture, d'optimisme, ou même de « reddition » à l'égard de ce monde. Il s'agissait en fait d'un acte de foi et d'une démarche missionnaire : « Puisque le Christ est la lumière des nations... », et afin qu'il le devienne toujours davantage, il convient que l'Église se tourne résolument vers ce monde pour lui annoncer l'amour du Père.
Il n'est pas surprenant alors que l'opposition à cette démarche du deuxième concile du Vatican – suscitée principalement par les textes sur la liberté religieuse, l'œcuménisme ou le dialogue interreligieux – se soit comme cristallisée contre la liturgie qui en est issue. L'attachement à un décorum et à des rites anciens, au latin même incompris, est donc devenu le signe de ralliement, le drapeau en quelque sorte, d'un courant contestataire, dit « traditionaliste », extrêmement minoritaire (2 747 pères avaient voté pour la constitution sur la liturgie, et 4 contre). C'est ce refus du concile qui a mené à un véritable schisme lorsque Mgr Marcel Lefebvre, chef de file de l'un de ces courants mais seul évêque parmi eux, décida d'ordonner des évêques malgré l'interdiction de Rome (30 juin 1988). On comprend alors que, pour tenter de résorber cette dissidence avant qu'elle ne se développe de façon irrémédiable, le pape Benoît XVI ait concédé la faculté de célébrer la messe, de façon « extraordinaire », c'est-à-dire exceptionnelle, selon le rite antérieur, celui de saint Pie V (motu proprio du 7 juillet 2007). Sans rien renier de la valeur ni de l'autorité de la réforme voulue et opérée par Paul VI, il s'agissait[...]
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Écrit par
- Jean-Noël BEZANÇON : prêtre dans le diocèse de Créteil
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