LIU ZONGYUAN[LIEOU TSONG-YUAN](773-819)
Par son haut lignage, son intelligence et ses talents littéraires, Liu Zongyuan semblait destiné à jouer un grand rôle dans la vie politique des Tang. En effet, à l'avènement de l'empereur Shunzong en 805, devenu le protégé du chef du gouvernement Wang Shuwen, il se trouve au centre du pouvoir. Mais la chute de Wang Shuwen et de sa clique huit mois après leur accession porte un coup fatal aux espérances politiques de Liu Zongyuan. Il est exilé au Sud comme gouverneur de Yongzhou (Hunan) puis, en 815, de Liuzhou (Guangxi) où il meurt.
Le malheur politique de Liu inspire une grande partie de sa production littéraire. Sa poésie décrit, dans la tradition paysagiste de Wang Wei et de Meng Jiao, les beautés du Sud, mais Liu Zongyuan laisse voir un peu plus que ses prédécesseurs sa propre angoisse et sa mélancolie. Cependant, ce n'est pas comme poète que Liu Zongyuan est le mieux connu, mais comme prosateur. C'est un remarquable philosophe qui, dans plusieurs essais vigoureux, s'oppose aux théories traditionnelles selon lesquelles le monde serait régi par le Ciel (Tian) ou par des dieux (shen) ; pour lui, l'univers évolue selon des lois naturelles, sans l'intervention consciente d'instances supérieures. Il s'oppose aussi à la classe dirigeante contemporaine qui se sert de ces théories traditionnelles pour rendre le peuple esclave. C'est sans doute dans ses petites pièces satiriques, fables et apologues, qu'il atteint le sommet de son art, dévoilant dans une prose musclée et mordante les abus de pouvoir sur le petit peuple. Enfin, ses « mémoires de voyage » (youji), qui décrivent ses randonnées dans les montagnes du Sud, ne sont guère inférieurs à ses pièces satiriques. Toujours dans une prose claire et directe, mais ici teintée d'une poésie subtile et d'une certaine mélancolie, Liu Zongyuan nous confie ses pensées intimes devant ces paysages fantastiques et se laisse souvent aller à des élans d'admiration très près de l'extase mystique. Ces passages rappellent que Liu avait une âme religieuse : il était un bouddhiste croyant.
Lui et son ami HanYu sont les deux plus grands prosateurs des Tang, les figures marquantes dans le mouvement qui avait pour but de rétablir une prose simple et directe (guwen, c'est-à-dire prose ancienne) et sont connus comme tels dans l'histoire littéraire chinoise (Liu Zongyuan juan, Pékin, 1964). Liu Zongyuan, grâce à sa défense du petit peuple et à sa philosophie « matérialiste » avant la lettre, est très à l'honneur dans la Chine actuelle où on lui consacre de nombreuses publications (par exemple, Zhang Shizhao, Liu wen zhiyao, 14 vol., Pékin, 1971).
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Écrit par
- Donald HOLZMAN : ancien directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales
Classification
Autres références
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CHINOISE (CIVILISATION) - La littérature
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...bourgeois ». L'essai philosophique ou littéraire fut également cultivé dans le style de la « prose antique », notamment par Han Yu (768-824) et par son ami Liu Zongyuan (773-819), qui avaient pris la direction du mouvement de la « prose antique ». Sous un aspect littéraire, ce mouvement constituait le début... -
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...instrument didactique, elle permit surtout, de son vivant, une reviviscence de la narration, du conte, auxquels ne se prêtait guère le style pian wen. AinsiLiu Zongyuan (773-819), qui participa avec talent à cette élaboration de la prose gu wen, est l'auteur prestigieux de courts récits descriptifs.