LIVING THEATRE
Judith Malina et Julian Beck fondent la compagnie du Living Theatre en 1950. Onze ans plus tard, le Living joue à Paris au Théâtre des Nations, une pièce de Jack Gelber, The Connection (L'Intermédiaire). En 1966, la troupe, qui connaît des difficultés aux États-Unis, revient à Paris avec The Brig (La Taule) de Kenneth Brown. Alors commence la période européenne du Living, qui présentera, entre autres pièces, Mysteries and Small Pieces (1964), Frankenstein (1965), l'Antigone de Brecht (1967), enfin Paradise Now qui allait livrer à la tempête le festival d'Avignon 1968. Apôtres du théâtre radical et de la non-violence, ces comédiens ambulants avaient tenté de jouer dans la rue en Avignon. Le spectacle fut interdit, et la troupe quitta le festival. On a beaucoup parlé de cette troupe qui rend toutes choses théâtrales dans une déflagration poétique. Ce théâtre vivant est à l'écoute du monde nouveau : la liberté de la création fait voler tous les cadres et toutes les contraintes. Le corps de l'acteur précède la parole. Judith Malina et Julian Beck s'étaient rencontrés à New York au cours de Piscator. Incapables de pénétrer le monde de Broadway, ils créeront leur propre théâtre. Il sera vivant, car il jouera des pièces contemporaines d'une manière qui touche les hommes de notre temps. Et ce sera un théâtre de répertoire. Les Beck débuteront dans leur appartement, n'ayant trouvé aucune salle. Les trois éléments du théâtre qui, selon Beck, permettent une expérience totale sont : « participation physique du spectateur, conte, transcendance ». Ces tendances doivent être la stimulation de l'imaginaire, le souci du langage et, par réaction contre un réalisme fade, la recherche d'un monde poétique. Le refus d'une société dans laquelle le spectacle n'est qu'un produit est la règle parmi les acteurs de la troupe. L'économie la plus stricte est de rigueur ; parfois la beauté naît de surcroît. Dans son désir de faire partager la vérité de notre temps, le Living écoute la leçon de Brecht ; dans son travail pour faire éprouver physiquement le théâtre, il rejoint Artaud : agir sur les nerfs et sur l'esprit. La scène ne sera plus un lieu où l'on dit des textes, mais bien un lieu « physique et concret qui demande qu'on le remplisse et qu'on lui fasse parler son langage concret ». En 1960 se situe la rencontre avec Brecht : Dans la jungle des villes ; en 1962, Homme pour homme. Bientôt, le Living demandera une disponibilité immédiate. L'action scénique devra provoquer un état permanent de joie, une jubilation physique et mentale. Ce qui frappe, c'est la rigueur du travail, c'est l'intensité poétique du monde de la scène vécu physiquement, c'est le raffinement dans le réalisme. Avec l'appui d'un texte fort, celui de l'Antigone de Brecht, le Living trouve la voie étroite qui unit Artaud à Brecht. L'incantation frénétique qui lui est chère, capable d'éveiller notre sensibilité, se voit chargée de provoquer en nous la distance critique nécessaire devant les personnages de la fable. De « l'insurrection » des corps naît l'insurrection de la raison. À la recherche d'une méthode de jeu qui traduise son goût pour l'anarchie et son sens de la poésie, Julian Beck explore le happening avant de découvrir dans un « théâtre-vérité » la création collective. En 1958, la « beat generation » impose un thème dont on reparlera beaucoup : la drogue. En 1968, la solitude et l'angoisse humaines sont les deux thèmes du Living dans Paradise Now. Dans le même temps, Julian Beck critique la méthode de l'Actor's Studio : « Le théâtre n'est pas une introspection individuelle et collective, il est une rencontre entre l'acteur et le spectateur. Il ne s'agira plus bientôt de „re-vivre“ les[...]
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Écrit par
- Armel MARIN : metteur en scène, conseiller en éducation populaire et techniques d'expression
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