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REBREANU LIVIU (1885-1944)

« L'Insurrection » : la terre ou la mort

Le conflit présenté dans Ion sous l'aspect de la victoire remportée, au prix d'une infamie, par un gueux sur un propriétaire est traité à nouveau dans L'Insurrection : mais c'est un village entier qui se révolte contre les possesseurs de la terre et réclame un partage. Un lien profond d'habitude ancestrale et de respect coutumier unit les serfs à leur boyard. Ce sont les exactions de l'intendant, ce nouveau venu sur la terre roumaine, qui excitent la colère des paysans ; il est coupable de flouer le propriétaire tout en exigeant trop des laboureurs. Si Platamonu et son écornifleur de fils ne s'inséraient pas entre les Iuga et le village, une certaine paix continuerait de régner, affermie par les intentions libérales du fils Iuga. Mais l'émeute se déclenche ; l'armée intervient et rétablit l'ordre dans un bain de sang.

Rebreanu s'inspire, ici, de la jacquerie qui, en 1907, a profondément ébranlé la Roumanie. Ion est devenu légion et passe à la violence. Il s'appelle d'un curieux nom, Petre Petre, mais se détache beaucoup moins de la masse que ne faisait Ion. Rebreanu dépeint une foule : on y discerne des personnages ; on connaît leurs patronymes, mais on n'a d'eux qu'une vision globale, analogue à celle des attroupements d'élus sur les fresques des églises moldaves.

La critique roumaine est unanime à célébrer Ion, La Forêt des pendus, L'Insurrection mais elle est sévère pour Ciuleandra ou Le Gorille (Gorila). On dirait, en effet, que Rebreanu, sorti de son village, est un étranger dans la ville et reste mal à l'aise au milieu des passions et des intrigues politiques.

Tel un metteur en scène qui s'amuse à jouer lui-même dans un film, le romancier s'est présenté sous les traits du journaliste Titu Herdelea, le fils de l'instituteur, qui paraît falot à côté des paysans et dont l'ambition médiocre et l'existence terne reflètent bien l'avatar du villageois devenu citadin. Même avatar chez Rebreanu peintre de son temps : inégalable dans la fresque qu'il donne des travaux et des jours campagnards, il n'a guère de souffle quand il décrit les heurs et malheurs des Rastignac bucarestois.

Le style de Rebreanu est dru, tout proche du parler transylvain, moins par les dialectismes qui apparaissent çà et là que par le sérieux pondéré de la narration. Celle-ci s'avance lentement mais avec fermeté. Ainsi du joug à bœufs que le paysan sculpte à l'aide de son gros couteau : les copeaux de bois volent, les contours et les creux se précisent, mais il faut du temps au témoin de l'ouvrage qui se fait – il faut lire beaucoup de pages des romans de Rebreanu – pour discerner le plan d'ensemble et en saisir l'ampleur, pour comprendre aussi comment chaque détail est à sa juste place, la création recevant alors la marque de la nécessité.

— Alain GUILLERMOU

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur honoraire à l'Institut national des langues et civilisations orientales et à l'université de Paris-Sorbonne

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  • ROUMANIE

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    ...même temps, la prose roumaine prend son essor décisif avec Mihail Sadoveanu, parti à la recherche du temps perdu dans les villages de Moldavie, avec Ion Rebreanu, le vigoureux peintre des conflits paysans, ou avec César Petrescu (1892-1961) dont l'œuvre principale Intunecare (1927, L'Assombrissement...