LIVRE DE BON AMOUR, Juan Ruiz Fiche de lecture
Le Livre de bon amour (Libro de buen amor), poème où se conjugue l'influence du mester de clerecía (poésie savante, poésie des clercs) et celle, plus populaire, du mester de juglaría (poésie populaire, poésie des troubadours), propose, dans des tonalités diverses, qui vont du cynisme à l'élan spirituel, une sorte d'art d'aimer à la fois réaliste, moralisateur, burlesque ou idéalisé.
Le livre, dont la date de rédaction est incertaine (1330 ou 1343), compte plus de sept mille vers. Il semble avoir pour fil conducteur l'autobiographie fictive de l'auteur, qui déclare s'appeler Juan Ruiz (1285 env.-env. 1350) et se prétend archiprêtre de Hita, dans la province de Guadalajara.
Une autobiographie fictive
Cet ouvrage, composé avec soin malgré son désordre apparent, comprend des matériaux divers : de nombreux exempla (fables, contes, anecdotes) ; une adaptation de l'Art d'aimer d'Ovide (ier siècle) ; la reprise, sous forme narrative, du Pamphilus de amore, une comédie latine du xiie siècle, fort répandue dans toute l'Europe ; l'adaptation de divers autres textes en latin du Moyen Âge ; des satires ; des poésies lyriques, religieuses ou profanes.
Le poème commence par une supplique en vers à Dieu et à la Vierge, suivie d'un Prologue en prose : l'auteur y met en garde contre « les manières et mauvaises pratiques du fol amour qui mène les âmes à leur perte et les expose à la colère de Dieu. » Au « fol amour » du monde s'oppose ainsi « le bon amour de Dieu ». « Et lorsque l'âme au bon entendement, à la bonne volonté, à la bonne réminiscence, choisit et aime le bon amour, qui est celui de Dieu, elle le garde dans la cellule de sa mémoire pour s'en souvenir, et pousse le corps à réaliser de bonnes actions, par lesquelles l'homme gagne son salut. » Cet avertissement autorise de joyeuses volte-face : louanges à la Vierge, conseils de sagesse, prêches de vertu, réprimandes à Don Amour, contrastent, en effet, avec des récits à la gaillardise endiablée.
Après la célébration, pleine de fraîcheur, des Joies de la Vierge Marie, viennent les aventures et les amours de l'archiprêtre de Hita, qui font l'objet de plusieurs péripéties, suivies de fables ou de commentaires moraux. Les descriptions galantes sont toujours bien enlevées, et Don Amour, qui cause tous les péchés du monde, en prend pour son grade... Bon prince, il n'en donne pas moins de précieux conseils à qui est en mal d'amour, notamment celui de faire appel, en cas de besoin, à l'aide de « l'une de ces vieilles/ qui courent les églises, connaissent les ruelles,/ de grands colliers au cou, savent bien des histoires,/ et ont des talismans qui charment les oreilles. »
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Écrit par
- Bernard SESÉ : professeur émérite des Universités, membre correspondant de la Real Academia Española
Classification
Autres références
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RUIZ JUAN (1285 env.-env. 1350)
- Écrit par Daniel DEVOTO
- 1 112 mots
Le livre de l'archiprêtre de Hita (cité de la province de Guadalajara) fut publié pour la première fois en 1790 par Tomás Antonio Sánchez, « bibliothécaire du Roy », en édition expurgée (il le fallait) ; mais il était assez connu, ainsi que l'atteste (outre les copies conservées et les mentions ou allusions...