JUGES LIVRE DES
Le livre biblique des Juges doit son nom aux héros dont il rapporte l'histoire, les Juges. Dans la Bible hébraïque, ce livre suit immédiatement le Livre de Josué (dans la classification juive, il est le deuxième des « premiers prophètes »). Diverses traditions y sont recueillies qui décrivent la situation d'Israël après la conquête de la Palestine : les tribus sont en conflit quasi permanent avec les groupes ethniques ou les royaumes voisins. Bien des matériaux de ce livre sont très anciens, certains supposant une tradition orale préalable qui transmettait les histoires isolées des héros de telle ou telle tribu. Des pièces telles que le « cantique de Déborah » (chap. v, poème épique au ton triomphal) et l'« apologue de Yotam » (ix, 7-15, poème gnomique reflétant le mépris pour la monarchie qu'on retrouve en I Samuel, viii) ont été probablement fixés très tôt par écrit. On admet généralement, avec néanmoins plus ou moins de réserves ou de nuances, que le Livre des Juges porte l'empreinte d'un rédacteur deutéronomiste. D'aucuns pensent même que c'est dans cette œuvre que le document D a investi le meilleur de sa méthode. Si le gros bloc du livre (iii, 7-xvi, 31) est une compilation de traditions originellement distinctes concernant les juges locaux, celles-ci sont présentées dans une perspective unique, que l'introduction (ii, 6-iii, 6), due aux éditeurs, et le passage x, 6-16, ainsi que les formules introduisant chacun des récits particuliers, manifestent avec constance. On peut relever aussi des retouches post-deutéronomistes.
La composition de chacune des histoires des Juges suit un schéma qu'on retrouve dans tout le livre : infidélité d'Israël à son Dieu ; châtiment infligé par Yahvé, qui livre son peuple à tel peuple voisin ; repentir des Israélites, qui crient vers Yahvé, et délivrance par l'envoi d'un « sauveur », le juge. Puis, lorsque l'ordre est rétabli, le cycle recommence : infidélité, châtiment, repentir, délivrance. Le Livre des Juges comprend trois séries d'éléments. En premier lieu, une double introduction (i, 1-ii, 5 et ii, 6-iii, 6) décrit la situation politico-religieuse d'Israël et présente la pensée théologique de l'œuvre. Ensuite, vient l'histoire des juges (iii, 7-xvi, 31) : l'histoire des six « grands » juges (Otniel, iii, 7-11 ; Ehud, iii, 12-30 ; Barac, iv-v ; Gédéon, vi-ix ; Jephté, x, 6-xii, 7 et Samson, xiii-xvi), avec des interruptions consacrées à six « petits » juges (Shamgar, iii, 31 ; Tola et Yaïr, x, 1-5 ; Ibsan, Elon et Abdon, xii, 8-15). Enfin, l'ouvrage comprend des appendices (xvii-xviii et xix-xxi), dont il est malaisé de dire à quelle étape de la formation du livre ils furent introduits.
La synthèse du Livre des Juges est bien plus religieuse qu'historique. L'unité qu'elle reflète n'exista qu'à partir de la royauté. Les genres littéraires, venus en grande partie de la littérature populaire, sont variés. La chronologie, déficiente et souvent de fixation tardive, ne répond pas non plus aux exigences historiques actuelles. Cependant, la situation d'incertitude politique des diverses tribus israélites entre ~ 1200 et ~ 1030 y est bien décrite et, d'une façon fragmentaire bien plus que globale, la valeur historique du livre demeure largement certaine.
Le Livre des Juges a trouvé un écho dans l'Ecclésiastique (xlvi, 11-12), qui rappelle la fidélité des juges envers le Dieu d'Israël. S'il est très peu utilisé dans la liturgie chrétienne, il est mentionné avec un accent tout particulier dans l'Épître aux Hébreux (xi, 32-34).
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Écrit par
- André PAUL : bibliste
Classification
Autres références
-
GÉDÉON, juge d'Israël (XIIIe ou XIIe s. av. J.-C.)
- Écrit par André PAUL
- 559 mots