STERLING LIVRE
La dislocation de l'étalon sterling
Le retour au pair
La Première Guerre mondiale altère profondément la position financière de l'Angleterre. À l'intérieur, elle n'a pas suspendu la convertibilité or de principe du sterling, mais elle interdit l'exportation d'or à partir de 1918, à vrai dire une opération à laquelle nul ne se risque plus depuis plusieurs années en raison de la guerre sous-marine. Le Trésor augmente ses émissions d'emprunts et de titres à long terme à l'étranger pour financer le déficit des opérations courantes. L'émission de papier-monnaie croît aussi beaucoup et l'inflation est élevée, moins qu'en France toutefois ou que dans d'autres pays. D'une manière générale, rétablir le cours de change au pair d'avant-guerre pose problème dans la mesure où l'inflation a déprécié le pouvoir d'achat de la livre sterling (le niveau des prix a triplé par rapport à son niveau d’avant-guerre). C'est pourtant ce que préconise le rapport Cunliffe (1919). De même, les experts internationaux suggèrent que seule une convertibilité en lingots soit instaurée, pour économiser l'or, et que la livre continue à faire partie des réserves de change des pays périphériques. Les résolutions de la conférence de Bruxelles (1920) puis de celle de Gênes (1922) ne font en fait que reprendre officiellement le mode de fonctionnement de l'étalon sterling au xixe siècle. Cependant, alors que jusqu’en 1914 seule la livre servait de monnaie internationale et de réserve de change, il est convenu à Gênes que désormais le dollar partagera avec elle ce rôle de monnaie clé.
Le retour au pair exige la réduction de la circulation fiduciaire, c'est-à-dire une déflation, dans la proportion nécessaire au maintien à la Banque d'Angleterre d'une réserve d'or prédéterminée (150 millions de livres sterling). L'inflation de 1920, le flottement à la baisse de la livre (3,40 dollars en février), la spéculation contre le franc, puis le mark, retardent jusqu'au 13 mai 1925 la promulgation du Gold Standard Act préparé par Winston Churchill, chancelier de l'Échiquier, à la demande de Montagu Norman, le gouverneur de la Banque d'Angleterre.
Une surévaluation de la livre résulte de cet ancrage devenu irréaliste au pair de 1717, qui exerce de graves pressions déflationnistes, comme le prédit John Maynard Keynes. L'Angleterre entre dans la dépression. Les exportations chutent, la production décline et des pans entiers de l'industrie entrent en crise durable avec une hausse du chômage et des troubles sociaux (1926). L'Angleterre passe largement à côté de la phase d'essor international de 1924 à 1929.
La livre flottante et dirigée
En 1931, le rapport Macmillan révèle l'illiquidité de la position de trésorerie internationale de l'Angleterre : 250 à 300 millions de créances en livres étrangères ne sont couvertes que par une réserve métallique inférieure à 150 millions. L'économie s'enfonce dans la dépression, qui est aggravée par la transmission de la crise boursière et bancaire des États-Unis après 1929. Le gouvernement choisit de redonner des marges d'autonomie à sa politique économique pour sortir de la crise. Le 21 septembre 1931, le Gold Standard Amendment Act abroge la convertibilité en or du sterling. La livre décroche aussitôt du pair métallique et se déprécie de 30 p. 100 en décembre avant de fluctuer modérément par la suite autour de cette nouvelle valeur plus réaliste. L’abandon de l’étalon or par la Grande-Bretagne marque le début de la tourmente monétaire.
L'Angleterre se replie sur un espace plus restreint à la suite des accords d'Ottawa (1932), qui créent un bloc commercial de préférence impériale. Les fluctuations de la livre sont placées sous le contrôle[...]
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Écrit par
- Sophie BRANA : docteure en sciences économiques, professeure des Universités en sciences économiques
- Dominique LACOUE-LABARTHE : professeur de sciences économiques à l'université de Bordeaux-IV-Montesquieu, directeur du Groupe de recherche en analyse et politique économiques, unité mixte du C.N.R.S. 5113
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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