STERLING LIVRE
La stabilisation monétaire
Les aléas du stop and go
L'ancrage nominal de la monnaie nationale redevient une question cruciale avec l'instauration de la convertibilité des monnaies entre elles. Pour l'Angleterre, l'or n'est plus la référence directe ; c'est le dollar qui lui-même est convertible en or à taux fixe. La parité de la livre par rapport au dollar peut fluctuer dans des marges de variation limitées (+/– 1 p. 100) appelant des rachats de monnaie nationale si elle se déprécie trop et réciproquement. La Banque d'Angleterre est donc le gardien de la valeur externe de la monnaie qu'elle protège par sa politique de taux d'intérêt et le volume de ses réserves en dollars. Ce faisant, elle est exposée aux crises de spéculation sur les changes qui secouent fréquemment les marchés. La crise de Suez de 1956 déclenche une vague de spéculation sur l’abandon de la parité de la livre, fixée à 2,80 dollars depuis 1949. Il faudra l’intervention du FMI, confronté à sa première crise financière internationale, qui accordera un concours massif de 1,3 milliard de dollars (soit l’équivalent de la quote-part du Royaume-Uni au FMI) et l’aide des Banques centrales européennes, pour mettre fin à la crise. Dans les années suivantes, la livre sterling sera régulièrement attaquée en raison de la faiblesse de sa balance de base et de la diminution régulière des avoirs en sterling des pays de la zone sterling. Les gouvernements successifs croient possible d'alterner, en fonction du cycle des élections, des politiques économiques rigoureuses et des politiques plus laxistes laissant le déficit budgétaire se creuser (stop and go). En juin 1967, l’ouverture du conflit au Moyen-Orient crée de vives tensions sur les deux monnaies de réserve. La livre subit en permanence des pressions qui aboutissent à sa dévaluation de 14 p. 100 le 18 novembre 1967, passant de 2,80 à 2,40 dollars.
Le climat international est caractérisé par l'abandon par les États-Unis de la référence à l'or en 1971, puis celui des changes fixes et ajustables en 1973. En avril 1972, les six pays de la Communauté économique européenne créent le « serpent monétaire européen » afin de limiter les fluctuations de leurs monnaies entre elles. Dans la perspective de l’adhésion du Royaume-Uni à la Communauté européenne, au 1er janvier 1973, la livre entre dans le serpent le 1er mai 1972. Très rapidement, une vague de spéculation la pousse à son cours plafond et, le 23 juin 1972, les autorités britanniques décident de laisser flotter la livre sterling. Cette mesure est en principe transitoire, mais la livre restera flottante jusqu'en 1990.
La Grande-Bretagne connaît ensuite une période de stagflation prononcée avec une hausse des prix de 15 p. 100 en 1974 (inflation) et une forte récession du produit intérieur brut (stagnation). Le surplus du compte courant en 1971 laisse la place à un déficit de 4,3 p. 100 du P.I.B. Le gouvernement travailliste relance alors l'expansion au prix d'une croissance de l'inflation jusqu'à 26 p. 100 et une chute de la livre de 34 p. 100 entre 1969 et 1976, où pour la première fois elle passe sous les 2 dollars. Sa part dans les réserves de change mondiales s’effondre de 10,4 p. 100 en 1970 à un minimum historique de 1,9 p. 100 en 1976. À la fin de cette année, l'Angleterre est obligée de faire appel à l'assistance du Fonds monétaire international sans que l'état de l'économie et de la monnaie ne s'améliore substantiellement jusqu'en 1979.
La désinflation monétaire
Avec l'élection, en 1979, d'un gouvernement conservateur dirigé par Margaret Thatcher s'instaure une politique monétaire contraignante : M1 – le volume des espèces et des dépôts bancaires non rémunérés – voit sa croissance chuter de plus de 20 p. 100 en[...]
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Écrit par
- Sophie BRANA : docteure en sciences économiques, professeure des Universités en sciences économiques
- Dominique LACOUE-LABARTHE : professeur de sciences économiques à l'université de Bordeaux-IV-Montesquieu, directeur du Groupe de recherche en analyse et politique économiques, unité mixte du C.N.R.S. 5113
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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