Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

LIVRE TOURNOIS

Le monnayage

À partir du xiiie siècle, le monnayage est à nouveau concentré entre les mains du pouvoir royal qui définit souverainement le régime de la frappe des monnaies et fixe le cours légal des espèces. Comme les espèces frappées tirent leur valeur de la quantité de métal qu'elles contiennent, le cours commercial des métaux impose au pouvoir de fixer des cours légaux cohérents par rapport aux cours commerciaux. Des écarts peuvent cependant apparaître pour des périodes plus ou moins longues, mais des mutations (modification du cours légal) s'imposent pour rétablir une coïncidence entre les cours. Ce souci interfère toutefois avec le désir de certains souverains de tirer parti des écarts, au besoin en les suscitant artificiellement pour augmenter leurs revenus. Le public se défie alors, fuit la mauvaise monnaie, c'est-à-dire celle dont le cours est surévalué.

L'émission de monnaie

La fabrication des monnaies est d'abord concédée à bail ou en régie à des ateliers, ou hôtels des monnaies dirigés, par un maître. Le bail fixe le nombre de marcs à monnayer chaque année ainsi que la répartition entre les catégories de pièces. Le maître achète le métal fin au tarif officiel et il a la responsabilité de la préparation des alliages, selon le cahier des charges légal et l'état de l'art. La fabrication est contrôlée par plusieurs officiers royaux dont le garde des fers, ou coins monétaires, utilisés pour la frappe des pièces. Il veille à l'exécution des seules opérations autorisées. L'essayeur est chargé de vérifier le titre et le poids. Ouvriers et monnayeurs assermentés sont rémunérés par un prélèvement sur le bénéfice revenant au souverain.

À partir du xive siècle, une administration centrale spécialisée se met en place : la Chambre des monnaies, que le roi et la Chambre des comptes consultent. En 1552, la Chambre devient Cour des monnaies, juridiction souveraine. Elle comprend un nombre variable de généraux-maîtres des monnaies et d'autres fonctionnaires assermentés nommés par le roi. Son rôle est l'exécution des ordonnances royales relatives aux espèces à émettre et le contrôle des ateliers monétaires répartis sur le territoire. La Chambre est enfin compétente pour la répression du faux monnayage. Ce corps des généraux-maîtres et les hauts fonctionnaires rédigent de remarquables mémoires de réflexion monétaire, notamment ceux du conseiller Turquam, du président de la Tourette ou de Monsieur de Malestroit. C'est aux « Paradoxes » de ce dernier que répond, en 1568, Jean Bodin, lequel établit une relation entre la quantité de monnaie en circulation et les fluctuations des prix.

Le seigneuriage

Le monnayage est une industrie comme une autre où la transformation de matières premières et la taille créent de la valeur et dégagent des profits. Au départ, les coûts de fabrication ou frais de brassage sont généralement comptés forfaitairement. Le profit est constitué par le seigneuriage qui comprend lui-même deux éléments. Le premier correspond à la différence entre le coût d'acquisition du métal par l'Hôtel des monnaies, par marc d'argent ou d'or, et le cours légal ou nominal des pièces taillées dans le marc considéré. Le coût d'acquisition est fixé par un tarif officiel tandis que le prix de vente du marc monnayé résulte du cours légal fixé par ordonnance royale. Ces deux prix sont susceptibles de varier. Le deuxième élément du seigneuriage est une taxe perçue pour le compte du roi par l'Hôtel des monnaies, obtenue par un allégement des pièces par rapport à leur poids théorique, dans des proportions tenues secrètes : il en résulte une prime pour la bonne monnaie non manipulée qui incite à la thésauriser.

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur de sciences économiques à l'université de Bordeaux-IV-Montesquieu, directeur du Groupe de recherche en analyse et politique économiques, unité mixte du C.N.R.S. 5113

Classification

Autres références

  • CHARLES V LE SAGE (1337-1380) roi de France (1364-1380)

    • Écrit par
    • 1 600 mots
    • 1 média

    Roi de France. Fils aîné de Jean II le Bon et de Bonne de Luxembourg, le futur Charles V fut le premier fils de France à porter le titre de dauphin de Viennois, en même temps que celui de duc de Normandie. Présent aux côtés de son père pendant la bataille de Poitiers, il dut ensuite, comme...

  • COMPTE MONNAIE DE

    • Écrit par
    • 1 083 mots

    Complètement tombé en désuétude de nos jours, le système de la monnaie de compte est la base de la pratique monétaire médiévale ; déjà esquissé à l'époque des grandes invasions, il s'est prolongé jusqu'à la réforme monétaire de la Révolution française. Dans ce système, les deux fonctions...

  • FLEURY ANDRÉ HERCULE DE (1653-1743) cardinal français

    • Écrit par
    • 940 mots

    Fils d'un receveur des décimes, André Hercule de Fleury fut voué, en raison de la pauvreté de sa famille, à la carrière ecclésiastique. Il fut introduit à la cour par le cardinal de Bonzi, grand aumônier de la reine Marie-Thérèse et recueillit sa succession en 1679. Après la mort de la reine, il...

  • FRANC FRANÇAIS

    • Écrit par
    • 9 714 mots
    • 5 médias
    On n'en est pas à la première tentative pour faire coïncider l'unité monétaire et l'unité de compte. En 1360, Jean le Bon fait frapper une pièce d'or dite rex francorum ou « franc », au cours d'une livre tournois. Il n'en subsiste que l'équivalence des dénominations dans la mémoire collective...
  • Afficher les 7 références