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LIVRE

L'art du livre

Parmi les nombreux objets qui constituent l'environnement humain, le livre a un statut bien particulier. Sa fonction première est de communiquer un contenu linguistique. Mais, comme tous les objets d'usage, il peut être pris en charge par les groupes producteurs ou utilisateurs à des fins de signification ou à des fins artistiques. Tous les éléments constitutifs du livre, la lettre, la mise en pages, l'illustration, la reliure peuvent être mobilisés pour renvoyer à des valeurs autres qui exaltent ou occultent sa fonction de communication. L'art du livre apparaît comme un « art impur » qui unifie des processus divers en un objet totalisateur.

La lettre n'est pas un apanage exclusif du livre. L'écriture privée, les inscriptions monumentales ou publicitaires participent aussi à la vie de ses formes. Cependant, son emploi dans les livres entraîne des exigences particulières de lisibilité et de rigueur. L'imprimerie a fortement contribué à l'expansion du caractère romain et à la fixation de son tracé général qui semble actuellement immuable. Les différents styles que l'on peut repérer depuis quatre siècles sont fondés sur des variations subtiles de dessin et de proportion. L'évolution se produit le plus souvent sous l'influence de facteurs extérieurs à l'imprimerie (écriture, lettre gravée, esthétique architecturale, publicité). D'une manière générale, le choix du style des caractères typographiques sous-tend un ensemble limité de charges évocatrices (modernité, tradition, ampleur, etc.), confusément perçues par les liseurs. Dans certaines situations bien précises où les sujétions optiques de la lecture ne sont pas primordiales, la lettre peut être envisagée surtout comme une forme d'un espace pictural.

Dans la mise en pages, on trouve un faisceau d'initiatives et de contraintes. Par une première approche, on peut distinguer le corps du livre et ce qui précède le texte. En ce qui concerne le corps du livre, un certain nombre de pratiques, érigées parfois en règles, déterminent, en relation avec le format, longueur des lignes, dimension des caractères, proportions des marges, afin que le déchiffrement du contenu du volume concilie plaisir et efficacité. La page de titre et les pièces liminaires destinées à être consultées plus que lues offrent des possibilités plus grandes, notamment par l'articulation des zones blanches construites par les lignes imprimées. « Dans une large mesure, l'histoire de l'imprimerie est l'histoire de la page de titre », a écrit S. Morison, qui a vigoureusement souligné cette opposition entre champs ouverts et champs fermés à la recherche graphique dans le livre. Il importe de voir qu'elle assimile la tradition à l'expérience objective et correspond en fait à l'époque du « livre triomphant », moyen de communication sans concurrent véritable et capable de dominer les langages de l'image qui aujourd'hui altèrent en profondeur la notion même de mise en pages.

Texte et image peuvent être associés pour délivrer des significations parallèles ou compatibles. C'est ce qu'il est convenu d'appeler l' illustration du livre. Ce terme ne peut être utilisé sans réserves. Il privilégie à l'excès un aspect des figures en les présentant comme un élément formel qui mue un medium en œuvre d'art. En revanche, il met justement l'accent sur ce qui distingue les figures livresques des estampes, c'est-à-dire leur relation avec le texte et leur insertion dans un tout unitaire, le livre. De ce point de vue, trois fonctions essentielles des images apparaissent : l'ornementation, l'illustration, l'information. Précisons qu'il ne s'agit pas de partager les figures en catégories, mais de spécifier des finalités prédominantes que peuvent avoir les[...]

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Écrit par

  • : professeur de communication à l'université de Nantes, ancien directeur du département d'information et de communication de l'I.U.T. de Nantes
  • : professeur émérite à l'École nationale des chartes, directeur d'études à la IVe section de l'École pratique des hautes études
  • : Conservateur à la Bibliothèque nationale

Classification

Médias

Robert Estienne - crédits : Stefano Bianchetti/ Corbis/ Getty Images

Robert Estienne

Planche de la <it>Fabrica</it> - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Planche de la Fabrica

<it>Saint Jérôme dans son cabinet de travail</it> - crédits :  Bridgeman Images

Saint Jérôme dans son cabinet de travail

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